jeudi 13 juin 2013

Fair-play démocratique à Londres. Immobilisme et désinformation à Madrid. Et silence radio à Bruxelles.

Mariano Rajoy se voit contraint d’écouter les leçons de démocratie de David Cameron. Le ministre espagnol des Affaires Etrangères monte au créneau pour éviter le parallèle entre l’Ecosse et la Catalogne, et se réfugie derrière des arguties juridiques tendencieuses. Et pendant ce temps, la Commission européenne continue de jouer la politique de l’autruche.



C’est un moment assez embarrassant que Mariano Rajoy a vécu le 12 juin, lors d’une conférence de presse conjointe avec le premier ministre britannique David Cameron. M. Cameron a effectivement déclaré: « Il n'est pas bon d'ignorer les questions de nationalité ou d'indépendance, il est préférable d'exposer ses arguments et de laisser les gens décider, c’est ce que nous faisons en Grande-Bretagne. » M. Cameron s’est refusé à parler explicitement de la Catalogne et il a souligné qu’il n’entendait donner de leçons à personne, mais l’allusion au processus catalan était on ne peut plus claire, avec une défense d’un référendum comme la meilleure solution au conflit.

M. Rajoy a encaissé le coup sans réagir, mais dès le lendemain, le ministre espagnol des Affaires Etrangères, José Manuel García-Margallo, est monté au créneau pour souligner que les cas écossais et catalan n’ont rien à voir, répondant aux questions de journalistes lors d’un petit déjeuner informatif conjoint avec Catherine Ashton, la haute représentante de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union Européenne. 

 Le ministre a ainsi affirmé que  « chaque pays a un ordre constitutionnel interne » et que, dans la mesure  où le Royaume-Uni n’a pas de Constitution écrite « la décision de David Cameron est peut-être correcte. » Mais l’Etat espagnol a une Constitution qui prévoit que « la souveraineté réside dans l’ensemble du peuple espagnol, et non dans une partie du peuple espagnol », c’est pourquoi la Constitution se fonde sur « l’unité et l’indivisibilité de l’Espagne ».

En ce qui concerne les conséquences de l’indépendance sur les relations de la Catalogne avec l’Union Européenne, le ministre a affirmé que « tout territoire, quelle que soit la formule qu’il choisisse, déclaration unilatérale d’indépendance ou déclaration négociée, est automatiquement exclu de l’UE. » L’admission dans l’UE du nouvel Etat devrait effectivement se faire « à l’unanimité » des Etats-membres. « Dans le cas de l’Ecosse, le Royaume Uni accepte [l’autodétermination] et les obstacles seraient moindres, mais avec une déclaration unilatérale d’indépendance [de la Catalogne] les obstacles seraient absolument insurmontables. L’adieu à l’Espagne supposerait l’adieu à l’Europe. […] Pour la première fois dans l’histoire, la Catalogne tournerait le dos à l’Europe et se trouverait isolée d’un continent auquel elle appartient depuis plus de 1000 ans. »



M. Margallo a alors cité diverses études économiques de JP Morgan, de la Société Générale et du Ministère espagnol des Finances, « qui prévoient  une chute du PIB de l’ordre de 20% à 25% » en cas d’indépendance de la Catalogne.
M. Margallo semble ici jouer la carte de la désinformation.

D’une part parce que les chiffres cités sont extraits d’une étude fantaisiste publiée par le journal conservateur ABC, proche du gouvernement espagnol, en septembre 2012 « après avoir consulté plusieurs experts ». JP Morgan n’a jamais parlé d’une baisse du PIB de l’ordre de 20% à 25% en Catalogne en cas d’indépendance : dans son étude, la banque américaine se demandait si les bénéfices économiques de l’indépendance ne se verraient pas amoindris par les nouvelles dépenses auxquelles la Catalogne devrait faire face en tant qu’Etat, et elle se préoccupait surtout de ce qu’il adviendrait de l’économie espagnole sans la Catalogne.

En outre, M. Margallo a omis de signaler que rien ne dit dans les traités européens que les Catalans doivent être expulsés de l’UE en cas d’indépendance. Il passe également sous silence un fait significatif : même en cas d’expulsion de l’UE, l’Espagne ne disposerait pas de droit de véto pour empêcher l’adoption d’un accord d'association entre l’UE et la Catalogne sur le modèle de la Suisse ou la Norvège. En effet, ces accords se signent à la majorité qualifiée des Etats-membres. La Catalogne pourrait en tout état de cause rester membre de l’Espace Economique Européen et bénéficier des avantages de la libre circulation des marchandises et des personnes. Sans droit de vote de la Catalogne au Conseil européen, il est vrai. Ce qui est déjà le cas actuellement.

A ce titre, le silence de Mme Ashton, qui assistait à la scène, semble surprenant. Interrogée par les journalistes, elle s’est limitée à s’exclamer : « Mon Dieu ! Je ne vais pas parler des Catalans ! » Il est vrai que la haute représentante a adopté un profil pour le moins discret sur la scène internationale depuis son entrée en fonction.

Un peu plus tard dans la journée, le président catalan Artur Mas a profité de l’inauguration d’un centre de recherche à Barcelone pour « remercier » M. Cameron pour ses « réflexions sereines, courageuses et positives. »





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