Mariano Rajoy se
voit contraint d’écouter les leçons de démocratie de David Cameron. Le ministre
espagnol des Affaires Etrangères monte au créneau pour éviter le
parallèle entre l’Ecosse et la Catalogne, et se réfugie derrière des arguties juridiques tendencieuses.
Et pendant ce temps, la Commission européenne continue de jouer la politique de
l’autruche.
C’est un moment assez embarrassant que Mariano Rajoy a
vécu le 12 juin, lors d’une conférence de presse conjointe avec le premier
ministre britannique David Cameron. M. Cameron a effectivement déclaré: « Il n'est pas bon d'ignorer les questions de nationalité ou d'indépendance, il est préférable d'exposer
ses arguments et de laisser les gens
décider, c’est ce que nous faisons en
Grande-Bretagne. » M. Cameron s’est refusé à parler
explicitement de la Catalogne et il a souligné qu’il n’entendait donner de
leçons à personne, mais l’allusion au
processus catalan était on ne peut plus
claire, avec une défense d’un référendum comme la meilleure solution au conflit.
M. Rajoy a encaissé le coup sans réagir, mais dès le
lendemain, le ministre espagnol des Affaires Etrangères, José Manuel
García-Margallo, est monté au créneau pour souligner que les cas écossais et
catalan n’ont rien à voir, répondant aux questions de journalistes lors d’un
petit déjeuner informatif conjoint avec Catherine Ashton, la haute
représentante de la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union
Européenne.
Le ministre a
ainsi affirmé que « chaque pays a un ordre constitutionnel interne »
et que, dans la mesure où le Royaume-Uni
n’a pas de Constitution écrite « la décision de David Cameron est peut-être
correcte. » Mais l’Etat espagnol a une Constitution qui prévoit que « la
souveraineté réside dans l’ensemble du peuple espagnol, et non dans une partie
du peuple espagnol », c’est pourquoi la Constitution se fonde sur
« l’unité et l’indivisibilité de l’Espagne ».
En ce qui concerne les conséquences de l’indépendance sur
les relations de la Catalogne avec l’Union Européenne, le ministre a affirmé
que « tout territoire, quelle que soit la formule qu’il choisisse,
déclaration unilatérale d’indépendance ou déclaration négociée, est
automatiquement exclu de l’UE. » L’admission dans l’UE du nouvel Etat
devrait effectivement se faire « à l’unanimité » des Etats-membres. « Dans
le cas de l’Ecosse, le Royaume Uni accepte [l’autodétermination] et les
obstacles seraient moindres, mais avec une déclaration unilatérale
d’indépendance [de la Catalogne] les obstacles seraient absolument insurmontables.
L’adieu à l’Espagne supposerait l’adieu à l’Europe. […] Pour la première
fois dans l’histoire, la Catalogne tournerait le dos à l’Europe et se
trouverait isolée d’un continent auquel elle appartient depuis plus de 1000 ans. »
M. Margallo a alors cité diverses études économiques de
JP Morgan, de la Société Générale et du Ministère espagnol des Finances, « qui
prévoient une chute du PIB de l’ordre de
20% à 25% » en cas d’indépendance de la Catalogne.
M. Margallo semble ici jouer la carte de la désinformation.
D’une part parce que les chiffres cités sont extraits
d’une étude fantaisiste publiée par le journal conservateur ABC, proche du
gouvernement espagnol, en septembre 2012 « après avoir consulté plusieurs
experts ». JP Morgan n’a jamais parlé d’une baisse du PIB de l’ordre de
20% à 25% en Catalogne en cas d’indépendance : dans son étude, la banque
américaine se demandait si les bénéfices économiques de l’indépendance
ne se verraient pas amoindris par les nouvelles dépenses auxquelles la
Catalogne devrait faire face en tant qu’Etat, et elle se préoccupait surtout de
ce qu’il adviendrait de l’économie espagnole sans la Catalogne.
En outre, M. Margallo a omis de signaler que
rien ne dit dans les traités européens que les Catalans doivent être expulsés
de l’UE en cas d’indépendance. Il passe également sous silence un fait significatif :
même en cas d’expulsion de l’UE, l’Espagne ne disposerait pas de droit de véto
pour empêcher l’adoption d’un accord d'association entre l’UE et la
Catalogne sur le modèle de la Suisse ou la Norvège. En effet, ces accords se signent à la majorité qualifiée des Etats-membres. La Catalogne pourrait en tout état de cause
rester membre de l’Espace Economique Européen et bénéficier des avantages de la
libre circulation des marchandises et des personnes. Sans droit de vote de la
Catalogne au Conseil européen, il est vrai. Ce qui est déjà le cas
actuellement.
A ce titre, le silence de Mme Ashton, qui assistait à
la scène, semble surprenant. Interrogée par les journalistes, elle s’est limitée
à s’exclamer : « Mon Dieu ! Je ne vais pas parler des Catalans ! »
Il est vrai que la haute représentante a adopté un profil pour le moins
discret sur la scène internationale depuis son entrée en fonction.
Un peu plus tard dans la journée, le président catalan
Artur Mas a profité de l’inauguration d’un centre de recherche à Barcelone pour
« remercier » M. Cameron pour ses « réflexions sereines, courageuses
et positives. »
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