mercredi 10 septembre 2014

Catalogne, un avenir en miroir : 11-9 et 9-11



V comme Volonté : une manifestation qui prévoit une affluence record !


Carme Forcadell et Muriel Casals peuvent en être fières : l’Assemblée Nationale Catalane et Omnium Cultural ont réussi leur pari. Le pays se mobilise une nouvelle fois pour réaffirmer son droit à l’autodétermination.

En effet, Carme Forcadell confirme aujourd’hui que l’objectif de dépasser le nombre d’inscrits de l’an passé (à savoir 455’000) est atteint : 500’000 personnes se sont déjà engagées à constituer, dans deux rues de Barcelone, une immense mosaïque humaine, en forme de V.

Que sont 500’000 personnes sur une population qui en compte 7,5 millions, ricaneront les esprits chagrins ? Les esprits malins leur rétorqueront q
ue lors de la Via Catalana de 2013, 455’000 inscrits ont drainé près de deux millions de citoyens. Et que jeudi, il en viendra bien plus, au nom de la volonté. Et de la dignité d’un peuple qui clame jusqu’au ciel sa fierté d’appartenir à une nation, peut-être assujettie par les armes, mais jamais, au grand jamais, asservie.

V comme Victoire : la mobilisation de tout un pays !

Ne pensez pas que les seuls Barcelonais dessineront le V, ce long serpentin rouge et jaune, aux couleurs de la senyera, le drapeau catalan.

Non, c’est le pays tout entier qui se mobilise pour créer cette mosaïque qui s’étendra sur un trajet long de 11 km, que les organisateurs ont divisé en trams  pour une planification optimale. A chaque tram correspond une région, une commune, qui se charge elle-même de le remplir, qui organise elle-même le trajet de ses citoyens jusqu’à la capitale (1’500 autocars ont été réservés), et ce afin de garantir une répartition équilibrée des manifestants tout le long du parcours de la mosaïque.

De fait, il existe des antennes de l’ANC dans tout le pays, et elles se chargent de la logistique de l’événement. Chaque Catalan, chaque Catalane peut s’inscrire en ligne (site web de Ara és l’Hora) ou par téléphone, individuellement ou par groupe, et choisir le tram dans lequel il ou elle se rendra, et la couleur, jaune ou rouge qu’il ou elle arborera. Un « Kit de la V » est proposé, pour 15 euros, avec le TShirt de la couleur choisie.

Selon Ara.cat, 90 % des trams sont pleins ou presque pleins, et nul doute que les deux jours qui viennent permettront aux organisateurs de remplir les 10 % restants.

Et c’est déjà une première victoire, n’en doutez pas : imaginez un peu l’organisation en termes de logistique … plus de 500’000 personnes, qui doivent, à une heure précise (16h00) rejoindre un point précis (leur tram) pour, à une autre heure précise (17h14), s’aligner en rangées de 36 personnes très exactement, avec une alternance de couleur (et donc de TShirt) chaque 4 personnes !

Imaginez la discipline qu’il faut afin que la mosaïque soit une réussite, et dessine la senyera … 7’000 volontaires bénévoles sont d’ailleurs mobilisés pour placer chaque personne à la bonne place.

Et sachez qu’il n’y aura pas d’incidents, pas de bousculade. Aucune panique. Sachez que les Catalans viendront en famille, avec leurs enfants et leurs parents, et qu’aucune vitrine, aucune devanture d’un quelconque commerce ne sera salie, taggée, brisée. Du moins, de leur fait.

Non, ce sera une manifestation pacifique, démocratique … et joyeuse. Cinquante associations de « castellers » bâtiront des tours humaines, mille deux cents chorales entonneront l’hymne national, Els Segadors.

Et pour ceux qui ne pourront y être, et qui en pleurent déjà, sachez enfin qu’il y a eu, de par le monde, plus de 80 répliques de la V de Barcelone. Les Catalans de l’étranger, eux aussi, se sont mobilisés.

Oui, cette union d’un peuple autour d’un rêve commun est déjà une victoire. Une très belle victoire.

V comme Vote : du 11-9 au 9-11 !

Dans un communiqué de l’ANC, sa présidente, Carme Forcadell annonce clairement son objectif : « La V sera un message clair au monde, (qui exprime) la volonté majoritaire de la Catalogne de faire et de gagner la consultation du 9 novembre ».

Le peuple catalan, lors des élections anticipées de 2012, a élu un Parlement aux ¾ en faveur du « droit à décider ». Le gouvernement a donc suivi ce programme, et après l’affluence massive de la population lors de la Via Catalana du 11 septembre 2013, a annoncé qu’il organiserait un référendum en 2014.

Mais l’Espagne ne possède pas la même culture démocratique que celle qui prévaut en Angleterre.

Alors que Cameron, face aux derniers sondages qui donnent la victoire aux indépendantistes écossais, exprime clairement avoir entendu les préoccupations de cette région frondeuse, et lui offre donc un autogouvernement accru, et de meilleures conditions fiscales … alors que l’Angleterre joue le jeu de la démocratie, accepte le vote, fait campagne pour le « non » et propose des alternatives, et bien l’Espagne de Rajoy se raidit, déprécie, menace, interdit les urnes.

Ce lundi, devant les délégués du Partido Popular (PP), lors de la réunion du comité exécutif national du parti, le Premier Ministre espagnol réitère donc son opposition à toute consultation en Catalogne, et assure qu’il se tient prêt à agir pour freiner le processus indépendantiste catalan.

Et les mesures de coercition ne manquent pas …

Rappelons-le : l’Espagne a interdit le référendum, parce que contraire à sa Constitution, qui prône l’indivisibilité de la nation espagnole. Le Parlement catalan a donc préparé une loi de consultation populaire, non référendaire, ce qui reste dans ses compétences, et permet ainsi au gouvernement catalan d’agir en toute légalité. Mais Rajoy peut présenter un recours devant le Tribunal Constitutionnel et attaquer cette loi que doit approuver ces prochains jours le Parlement catalan, et ainsi interdire la consultation.

Ou, plus grave encore, il peut démettre de ses fonctions le Président Mas, sous prétexte qu’il ne respecterait pas la Constitution espagnole. Et installer un Madrilène à la Generalitat. Et ainsi suspendre l’autonomie de la Catalogne.

Et ainsi se révéler dans toute sa splendeur de potentat autoritaire.

Et ainsi révéler au monde que si l’Espagne ne bombarde plus la Catalogne chaque 50 ans, elle l’enterre un peu à chaque année qui passe et la voit encore privée de sa souveraineté. Saignée par le déficit fiscal. Menacée dans sa langue, et méprisée pour sa culture.

Le 15 octobre 1940, Lluis Companys, Président démocratiquement élu de la Catalogne, livré à Franco par la Gestapo allemande, criait encore « Per Catalunya ! » alors que les balles le transperçaient.

Ce sont des choses qui arriv(ai)ent, là-bas, en Catalogne.

Par Beatrice Riand et Stephane Riand

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