L'"obtusitude" ne faiblit pas (à propos de l'article de Diane Cambon, «La "catalanitude" ne faiblit pas»)
Dès le titre, le ton est donné avec le suffixe dépréciatif à la mode. Et la suite ne déçoit pas: formules méprisantes ("projet excentrique", "lobby privé pro-indépendantiste", "agitation diplomatique"), confusion révélatrice entre "état" et "nation" ("la création d'une nation"!)… et pour seul argument, bien sûr, l'allusion à l'endettement… d'une région autonome pressurée jusqu'à la moelle par l'État espagnol. Diane Cambon nous ferait presque regretter Élie Barnavi (Marianne, 14-20 août 2010 et 20-26 octobre 2012).
Quant à "Ce qu'en pense Marianne"… penser est un bien grand mot, puisque Marianne ne fait qu'abonder dans le sens de Diane Cambon. Pourquoi une revendication identitaire constituerait-elle une "régression"? Régression par rapport à quoi, à l'Espagne une, grande et libre (certains comprendront de quoi je parle)? Est-ce "revisiter l'histoire" que de rappeler, par exemple, que la Catalogne n'a perdu ses institutions propres qu'au nom d'un "juste droit de conquête" (décret dit "de Nueva Planta", 1716)? L'espagnol est-il la langue autochtone de la Catalogne? Comment et sous quelle forme y établit-on une "préférence catalane", et pourquoi ces guillemets qui pourraient faire croire à une citation?
"Aux yeux de Madrid, on désapprouve…" [sic]. Que vous informiez du point de vue de Madrid, soit. Mais que vous vous borniez à le relayer, et sous sa forme la plus caricaturale, ce n'est pas du journalisme. Suite à l'entretien de la même Diane Cambon avec Antonio Elorza, personnalité bien connue pour son anti-catalanisme virulent (19 novembre 2012), le collectif Emma qui se propose précisément d'informer l'opinion publique internationale de la réalité catalane, vous avait adressé sous forme de lettre ouverte une mise au point dont vous auriez pu au moins faire quelque cas. À défaut d'avoir un correspondant à Barcelone…
Denise Boyer
Professeur émérite de langue et culture catalanes
Université Paris-Sorbonne
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