mardi 7 mai 2013

La Catalogne, point de mire international

Il semblerait que le quotidien The Times ait entamé une croisade médiatique contre une possible indépendance de la Catalogne. Il y a quelques jours, le titre de son éditorial clamait qu’une séparation de la Catalogne du reste de l’Espagne serait au moins aussi préjudiciable (économiquement) à la Catalogne qu’à Madrid. Quelques jours auparavant le même journal publiait un article du journaliste Matthew Parris avec la même argumentation et portant le titre incendiaire « La Catalogne est une bombe à retardement plus grande que Chypre ».

Bien que connu de longue date, il n’est pas de trop de rappeler que The Times est un journal britannique d’idéologie conservatrice qui compte parmi ses conseillers l’ancien président Aznar, du Partido Popular espagnol. L’on connaît probablement moins le fait que M. Parris, en plus d’être journaliste, fut aussi membre du parti conservateur britannique. Un homme dont le CV comprend quelques curiosités comme le fait d’avoir reçu des mains de la récemment disparue Margareth Thatcher la médaille de la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals pour s’être lancé dans la Tamise pour sauver un chien. Il ne s’agit pas du typique correspondant de presse qui travaille à Madrid et qui ignore tout de la Catalogne. Monsieur Parris a vécu et travaillé dans notre pays et, par conséquent, il est censé avoir quelques connaissances de notre réalité. Je dis bien «censé» parce qu’il est évident que ce n’est pas le cas ou que, pour quelque raison que j’ignore, il n’a pas intérêt à les rendre évidentes.


 "Le mal que le séparatisme catalan peut faire à ce qui resterait de l’Espagne est un argument contre le séparatisme."

"Si les séparatistes obtiennent le référendum et le gagnent, ce peut être dévastateur pour toute la région."

Si je comprends bien, l’Etat espagnol a le droit de penser à ses intérêts. L’Europe a le droit de penser aux siens. Mais que les Catalans se permettent de penser aux leurs, et c’est l’apocalypse.

Regardons de plus près. Il est intéressant qu’un journal aussi prestigieux que The Times mette en évidence que sans la Catalogne l’Etat espagnol s’effondrerait. Ce qui ne me semble pas tolérable, de quelque point de vue que ce soit, c’est que l’on veuille rendre les Catalans responsables de la viabilité économique d’un pays qui pendant des années nous a asphyxiés, économiquement parlant. Il me semble également intolérable et irresponsable d’affirmer aussi catégoriquement que la Catalogne sans l’Espagne ne serait pas viable.

D’un côté, cette sorte de chantage psychologique non seulement ne fonctionne pas avec nous mais il indigne profondément un pays qui est victime depuis des années d’une spoliation fiscale sévère à cause de la mal nommée solidarité autonomique, un pays qui a essayé par tous les moyens de trouver les mécanismes lui permettant de s’intégrer harmonieusement dans l’Etat espagnol, un pays qui n’a reçu  en retour qu’insultes, réponses négatives et mauvais traitements.

Quelle réponse pouvons-nous donner à nos employés du secteur public qui voient baisser leurs salaires pour la troisième année consécutive ? Et aux 100 000 familles catalanes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ? Et aux 860 000 catalans qui sont au chômage ? Et aux entreprises catalanes auxquelles on refuse les crédits nécessaires pour exporter ?

D’un autre côté, l’auteur évite de parler du déficit fiscal dont souffre la Catalogne année après année (16 milliards d’euros, 8% du PIB catalan) ou du déficit chronique en infrastructures qui limite le potentiel économique du pays. Sans ce fardeau, la Catalogne non seulement ne devrait pas se limiter uniquement à survivre, comme le suggère The Times, mais elle serait une puissance économique moyenne de l’Union Européenne, bénéficiant d’un niveau de bien-être comparable à celui des citoyens hollandais ou danois.

Le problème de la future viabilité économique de l’Espagne, si nous devenions indépendants, serait le problème de l’Espagne et de l’Union Européenne. Mais pas celui de la Catalogne. Il n’est pas juste de nous attribuer cette responsabilité. Chacun est responsable de soi-même et entre tous nous devons faire possible le bien-être commun. La Catalogne veut contribuer à la caisse européenne dans de justes proportions. Car nous sommes persuadés que Bruxelles, malgré tous ses problèmes et ses imperfections, gère mieux les revenus que ne le fait Madrid. En tout cas, les Catalans lui font confiance pour son sens de la justice et de la démocratie.

L’opinion internationale devrait davantage se soucier de faire pression sur l’Etat espagnol afin qu’il fasse son devoir et accepte la tenue d’un référendum en Catalogne, afin de trouver une façon de permettre l’exercice du droit de décider par un territoire dont la majeure partie de la population réclame le droit de voter afin de décider de son avenir.

Ne serait-il pas beaucoup plus simple d’insister sur la nécessité de se mettre d’accord, de négocier, de parvenir à une entente plutôt que de menacer de faillite économique et financière toute la péninsule ibérique ?



Elisabet Nebreda,
Cesc Iglésies,

 
Cesc Iglesies et Elisabet Nebreda.
Vice-secrétaire général d’action politique et Sécrétaire nationale de politique internationale
Esquerra Republicana
Allemand

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