dimanche 3 mars 2013

« La patrie est plus importante que la démocratie » : un général espagnol justifie l'intervention militaire en Catalogne

 
D’après le quotidien madrilène  El Pais, Juan Antonio Chicharro, général de l'armée espagnole, a déclaré lors d'une cérémonie à Madrid que «la patrie est antérieure et plus importante que la démocratie,» et que «il y a un sentiment général d'inquiétude, de peur, d'incertitude et de confusion" au sein de l'armée espagnole dû "à l’actuelle offensive séparatiste et sécessionniste" catalane.
Le quotidien El País informe que Juan Antonio Chicharro, commandant général de l’infanterie de marine jusqu'en décembre 2010, a fait ces déclarations en tant qu’orateur lors d'un débat tenu à Madrid le 6 février, devant une centaine de personnes. Les autres orateurs étaient le président de la chambre militaire de la Cour suprême espagnole, M. Angel Calderón, le président de l'Université Rey Juan Carlos de Madrid, M. Pedro González-Trevijano, et le juge et directeur de la Revue juridique militaire, M. José Antonio Fernandez Rodera, en tant que modérateur. Le cadre: un débat intitulé «Forces armées et ordre constitutionnel».
Le journal affirme que, d’après le témoignage de plusieurs participants, M. Chicharro y a déclaré que «dans des circonstances normales, il aurait décliné l'invitation à ce débat», mais que «l’offensive actuelle séparatiste et sécessionniste » le forçait à «parler». « La patrie est plus ancienne et plus importante que la démocratie. Le patriotisme est un sentiment et la Constitution n'est rien d’autre qu'une loi. » Plus surprenant encore, la réaction du public, qui interrompait le discours aux cris de «Bravo! Bravo! »
Le militaire y faisait une lecture personnelle de la Constitution, laissant entendre que, confrontés à une situation mettant en péril «l'unité indissoluble de la nation espagnole », les militaires devraient agir de leur propre chef, même en l’absence d’ordres du gouvernement espagnol: «Les règles sont une chose, la pratique une autre. » Le débat s’était déroulé normalement jusqu'à M. Chicharro, commandant général d'un corps de plus de 4.000 militaires (infanterie de marine) jusqu'à il y a trois ans, commença son intervention, dont il a lui-même précisé qu’elle n’était pas improvisée. M. Chicharro y développait son interprétation personnelle de la Constitution. Après voir reconnu que « l’article 8.1  (de la Constitution) ne consacre pas l'autonomie des forces armées» (cet article prévoit que les Forces armées ont pour mission de « garantir la souveraineté et l'indépendance de l'Espagne, de défendre son intégrité territoriale et l'ordre constitutionnel. »), M. Chicharro demandait à la Cour constitutionnelle et au gouvernement espagnol de défendre la Constitution, conformément, d’après lui, à l'article 97 de la Constitution qui octroie au gouvernement la direction « de l'administration civile et militaire. »
A partir de là, le militaire entre sur un terrain glissant, en parlant au conditionnel et en suggérant des réponses sous forme de questions rhétoriques, mais il en arrive toutefois à formuler une théorie pour justifier le coup d’Etat. Le problème surviendrait, dit-il, «si les responsables de la défense de la Constitution ne se comportaient pas comme l’exige leur fonction. » Ce qui l'amène à se demander « quel est la situation hiérarchie du titre préliminaire de la Constitution. » Rien n’est dit explicitement, mais tout est clair: les juristes savent bien que l'article 8.1, qui confie à l’armée la défense de l’intégrité territoriale de l’Etat, fait partie du noyau dur de la Constitution, ce qui n'est pas le cas de l'article 97, qui détermine la subordination des forces armées au gouvernement, et qui a donc une valeur impérative moindre.
Continuant sur sa lancée dans ce petit jeu des hypothèses, le général imagine ce qui se passerait si le Parti Populaire espagnol perdait la majorité absolue lors des prochaines élections et si les partis indépendantistes exigeaient, en échange de leur soutien parlementaire, la réforme de l'article 2 de la Constitution, qui consacre unité indissoluble de la nation espagnole. « Que feraient alors les forces armées ?» Pour affirmer finalement : « Les règles sont une chose, la pratique une autre. »  La seule autorité publique sortant indemne de son exercice de réinterprétation de la Constitution était le roi Juan Carlos, converti, comme lors du coup d’Etat du 23 février 1981, en commandant effectif des Forces armées.
Lors de la conférence, la plupart des questions allaient dans un sens encore plus radical que le général. Le professeur González-Trevijano dut même intervenir pour avertir : « L’alternative à la Constitution est un suicide collectif. »
M. Chicharro est réserviste, mais il n’est pas encore à la retraite.

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