jeudi 17 octobre 2013

La Catalogne, la Non-question

“Après l’euphorie générale du concert, j’ai été surprise par le scepticisme d’un haut fonctionnaire de l’Union Européenne.”

Le 29 juin, le soir du Concert pour la Liberté, j’ai rencontré un haut fonctionnaire de l’Union Européenne. Il y travaille depuis des années, il a occupé le poste de délégué de Bruxelles dans plusieurs pays du monde et connaît bien les dessous politiques européennes. De façon discrète étant donné sa position, il est également un conseil sur le processus commencé depuis longtemps en Catalogne. C’est pourquoi, malgré l’euphorie générale du concert, j’ai été étonnée par un certain scepticisme de sa part. Je n’ai pas pu résister...


- Toi qui connais bien l’Europe, comment est perçue la question catalane?
- C’est la non-question.


- C’est-à-dire?
- Pour les autorités européennes, malheureusement la Catalogne est encore la non-question. Et ne crois pas que je n’en suis pas navré. Mais c’est comme ça.
- Mais... la manifestation massive du 11 septembre a été diffusée par beaucoup de médias internationaux. Tout le monde en a parlé. Depuis la Generalitat on a voyagé souvent jusqu’à Bruxelles pour expliquer le processus.


- Oui, oui, oui... Tout cela est très bien, évidemment. Et il y aura aussi une belle photo de la chaîne humaine du 11 septembre de cette année. Mais tout cela n’est pas suffisamment important pour l’Europe. Il s’agit de jolies images d’un peuple... mais ça ne suppose pas un souci pour l’Europe.


- Alors... que faut-il faire pour que la non-question devienne un question?


- Le conflit.


- Tu penses qu’il n’y a pas de conflit en ce moment? La rigidité du gouvernement de Rajoy contre un referendum en Catalogne n’est pas suffisant? Et toutes les lois espagnoles mises en œuvre qui attaquent les compétences de la Generalitat ? La question de la langue, par exemple...


- Non. Ceci n’est pas un conflit pour l’Europe. Comme les autorités européennes l’ont déjà dit, il s’agit d’un question nationale. Et qui n’a pas dépassé ses frontières.


- Et alors? Que devrait-il arriver pour que cela devienne un conflit pour l’Europe?
- L’une de ces deux choses : dans un premier temps, le président Mas devrait demander officiellement à Rajoy l’autorisation de faire un référendum. Si celui-ci refuse, la Generalitat devrait demander la protection de l’Europe. Le différent aurait alors franchi la frontière et par conséquent oui, il deviendrait un conflit.
- Et la deuxième chose?
- Des élections plébiscitaires incluant un point du programme en faveur de la déclaration unilatérale d’indépendance. Si les partis favorables à cette déclaration gagnent, l’Europe considérerait que la Catalogne est devenue un sujet de débat. En attendant, tout ce que le peuple catalan peut faire sera le bienvenu et l’Union Européenne y sera attentive. Mais la politique s’impose. Et puis je ne suis pas sûr que l’on mène efficacement les étapes adéquates vis-à-vis de l’Europe pour le jour où le conflit sera là.
- A ton avis que faudrait-il faire?


- Depuis longtemps on aurait dû parler avec l’Allemagne. Je veux dire des réunions de haut niveau. Je ne pense pas qu’il soit si évident que l’Allemagne soit contre l’indépendance de la Catalogne. Difficile d’y croire, n’est-ce pas? Aujourd’hui les Allemands feront l’impossible pour qu’il n’y ait pas de sécession. Ils savent que l’Espagne sans la Catalogne serait en chute libre. Or, les Allemands sont très pragmatiques. Et le moment venu...


- Le moment venu, ils soutiendraient la Catalogne?
- Si on ne fait aucun effort dans ce sens, non.






Anna Figuera Raich
Journaliste. Analyste politique à la télévision publique catalane TV3 et professeur de journalisme à la Blanquerna - Faculté des Sciences de la Communication de l’Université Ramon Llull, Barcelona.


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