lundi 10 juin 2013

Et les regards se tournent vers Paris...

La visite du président catalan Artur Mas le 3 juin dernier à Paris était certes discrète, puisqu’elle ne prévoyait pas de rencontre avec le président Hollande, mais elle n’en est pas passée inaperçue pour autant, et elle a suscité le débat politique en Espagne et la réflexion des éditorialistes. Nous aurons l’occasion d’en reparler prochainement.

Et il faut dire que le menu de la visite avait de quoi irriter le nationalisme espagnol: la signature d’un accord de coopération avec l’UNESCO, une rencontre avec le président de la SNCF dans le cadre d’une possible ouverture du réseau ferroviaire catalan à l’opérateur français des chemins de fer, et un dîner très controversé avec le ministre français de la Défense, quelques jours après qu’un journal conservateur madrilène ait fait sa une sur la possibilité que la Catalogne confie à l’armée française la sécurité du nouvel Etat catalan.

Un strapontin à l’UNESCO, en attendant mieux


La visite avait pour but de signer un accord avec l’UNESCO, l’organisme des Nations Unies responsable de l’éducation, la culture et la science. Un accord logique si l’on sait que la Catalogne a une culture singulière, et que, à ce titre, le Québec a également une représentation permanente à l’UNESCO grâce à un accord avec le Canada.

Mais le statut actuel de la Catalogne ne laisse guère de marge que pour un strapontin dans cet organisme dépendant des Nations Unies. L’accord prévoit que la Catalogne puisse envoyer des représentants, en marge de la présentation espagnole, lors de débats affectant la Catalogne. Il prévoit également le renforcement des instruments de coopération existant avec la Generalitat.

Le président catalan a déclaré : « Les représentants catalans seront dans les structures de l’UNESCO, ils ne formeront pas partie de la délégation permanente espagnole. Ce n’est pas exactement ce que nous voudrions, car il faudra bien qu’un jour nous ayons une représentation permanente, mais c’est déjà plus que ce que nous avons à l’heure actuelle. »

La SNCF  sur le réseau de banlieue barcelonais?


Deuxième plat au menu de la visite : un déjeuner de travail avec Guillaume Pépy, président de la SNCF. Pour le président Mas, il s’agit d’une étape dans un dialogue entamé il y a des mois : « Nous avons demandé à continuer les conversations avec Paris, et nous en sommes arrivés au point d’analyser s’il est possible de faire quelque chose dans le futur entre Ferrocarrils de la Generalitat [la société publique catalane des chemins de fer] et un autre opérateur. » M. Mas a remarqué que la SNCF est « une grande compagnie européenne » qui « a envie de faire des choses en Catalogne. »

Le réseau des trains de banlieue de Barcelone est actuellement géré par Renfe, l’équivalent espagnol de la SNCF. Ferrocarrils de la Generalitat n’opère que sur un réseau limité. Le Statut d’autonomie de 1979 prévoyait déjà que la Generalitat serait compétente pour les transports régionaux internes à la Communauté autonome, mais l’Etat s’était refusé pendant 30 ans à appliquer cette disposition. Le nouveau Statut de 2006 mentionnait explicitement le transfert du réseau de banlieue à la Generalitat. Cette revendication était liée aux nombreuses plaintes d’usagers concernant le niveau déplorable du service offert par l’opérateur espagnol,  ainsi qu’au manque d’investissements chronique de l’Etat pour entretenir et moderniser les lignes.

Bien que compétente désormais pour gérer le réseau de banlieue, la Generalitat a décidé dans un premier temps de continuer de confier ce service à Renfe, et non à Ferrocarrils de la Generalitat. Mais à l’expiration du contrat avec Renfe en 2016,  la libéralisation du secteur ferroviaire en Europe permettrait l’entrée d’un opérateur étranger, seul ou au travers d’un consortium avec Ferrocarrils de la Generalitat. Ce qui reste de l’ordre de la conjecture à l’heure actuelle.

Dès le 5 juin, le président de Renfe, Julio Gómez-Pomar, a réagi, en avertissant que l’entrée de la SNCF serait « incroyablement compliquée et difficile » compte tenu des différences techniques entre les réseaux ferroviaires espagnol et français. Il a également promis « un important effort d’amélioration du réseau des trains de banlieue».

Les investissements promis par le gouvernement espagnol lors du transfert du réseau des trains de banlieue n’ont cependant pas été mis en œuvre.

Annulation du dîner controversé avec le ministre français de la Défense


La visite devait avoir pour point d’orgue un dîner avec Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense. La Generalitat precisait que le ministre breton du gouvernement Ayrault recevrait M. Mas en tant que président de la Conférence des régions périphériques maritimes d’Europe (CRPM), et qu’à ce titre les discussions viseraient à dégager des convergences concernant le projet européen de financement d’un corridor ferroviaire méditerranéen.

Mais la presse s’est vite fait l’écho de la préoccupation de l’Etat espagnol que la réunion puisse permettre d’explorer la création d’une armée catalane liée à la France dans un futur Etat catalan. Et le dîner a été annulé « pour des raisons d’emploi du temps ».

Lors d’une interview pour la radio espagnole Onda Cero, le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel García Margallo, interrogé sur ce désir de rencontrer le ministre français, a déclaré le 4 juin que « faire cavalier seul ne donne pas de résultats » car les autres Etats reconnaissent la souveraineté de l’Espagne.

Le president Mas a précisé que la rencontre aura toutefois lieu dans les mois prochains en Catalogne.

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