lundi 20 mai 2013

Les Sant Jordi des années 60



La St. Jordi de mon adolescence, à l’époque de Franco, était une journée remplie de réaffirmation nationale où les gens qui circulaient dans les rues de façon festive savaient qu’elles exprimaient leur volonté d’être. Les nouveautés, livres de fiction, documentaires et disques ainsi que les grands mythes de la littérature catalane, de l’essai ou de la chanson en pleine expansion représentaient un cadeau hors de portée. Vers la fin du franquisme, avec la création de la plate-forme unifiée de l'Assemblée de Catalogne, la journée prit une dimension plus explicitement politique de lutte pour la liberté.
C'était l'époque où ont été publiés les disques des chanteurs mélodistes en catalan, José Guardiola, Ramon Calduch et d’autres, qui faisaient des reprises de hits surtout italiens. Des premiers enregistrements des Setze Jutges (Seize Juges, groupement de chanteurs) et de Raimon. À la fin des années 60, le Grup de Folk (groupe de folk), de Pau Riba et Jaume Sisa. Puis l'explosion des années 70 avec Llach, Serrat, Ovidi, Maria del Mar Bonet, etc. La bonne littérature de l'époque comprenait des œuvres qui ont alors marqué mes lectures. Mercè Rodoreda, Joan Sales, Pere Calders, Joan Perucho, Josep V. Foix, Pere IV, Espriu ... Et parmi les classiques, les œuvres complètes de Salvat-Papasseit. Enfin, les premiers livres avec des personnalités qui partageaient l'appartenance ou la sympathie pour PSAN (Parti Socialiste de Libération Nationale) : Jaume Fuster, Quim Monzó, M. Antònia Olivé, Xavier Bru de Sala, Joan Rendé, Ramon Solsona, Pep Albanell...
La Sant Jordi était aussi vécue avec les organisations de jeunesse:  scouts et centres excursionnistes qui trouvaient dans la vente des roses l’opportunité de financer leurs camps d'été. Le plus souvent les prévisions ne correspondaient pas toujours au marché: parfois à midi nous les avions toutes vendues, parfois le soir elles étaient vendues au rabais.
Et tout cela dans ma ville, au cœur de Barcelone, entre la Plana de l’Om et le Born, au Passeig Pere III et la rue Guimerà . Tous les étalages de vente des librairies emblématiques de l'époque – il n'en reste plus aucune- la Símbol, la Xipell, étaient tenus par de nombreux  renforts recrutés parmi les amis et les connaissances.
Le paysage visuel se remplissait doucement mais sans cesse de drapeaux catalans utilisés pour couvrir les tables, confectionner des signets ou dans les combinaisons de fleurs. Et ce monde de communication respirait pour une journée une tentative de liberté grâce à la plupart des journalistes de presse en espagnol – la seule possible- qui remplissaient les rares espaces de liberté pour les surmonter.
Ce sont mes Sant Jordi nostalgiques. Je souhaite simplement que d’ici quelques années je puisse me passer de cette nostalgie pour décrire les festivités comme aujourd'hui, parce que nous pourrons alors les vivre normalement. La normalité que donne la liberté.
Josep Huguet

Ancien ministre du gouvernement de la Catalogne (2004-2010)
Président de la fondation Irla


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