Pouvez-vous nous présenter votre évolution personnelle au sujet de la question catalane ? Y avez-vous adhéré pour des raisons culturelles, sociales, économiques, historiques ou par tradition familiale ?
Je suis indépendantiste depuis que je me rappelle avoir une conscience politique, depuis que m'intéressaient les thèmes qui affectaient notre société. De fait, le jour que je me rappelle m'être intéressé à l'indépendance, c'est quand, en 1992 – j'étais très petit, j'avais 10 ans –, des indépendantistes ont été arrêtés au cours de l'Opération Garzón, (*) et que j'ai pensé : “Ceux qu'ils ont arrêtés sont des nôtres” ; ainsi je suppose que je devais ressentir une certaine identification, sûrement pas très rationnelle à ce moment-là. Au fil du temps, je me suis engagé dans les jeunesses d'ERC* et, non seulement j'ai commencé à défendre clairement l'indépendance, mais chaque fois l'engagement et l'apprentissage sont allés croissant. Je me suis rendu compte que ce n'était pas seulement une question de défense de l'identité de la langue ou de l'identité, qui avait motivé mon choix, mais aussi du droit de la société catalane à s'organiser comme elle voudrait, dans tous les domaines (économiques, énergétiques, sociaux et, évidemment, aussi culturels).
Prénom, nom, poste :
Pere Aragonès, député au Parlement de Catalogne pour Esquerra Republicana de Catalunya (@perearagones).
Aïda Fadrique Rubio (@gatadenit)
Traduit par Patrick Vedel, militant français d'ERC et les JERC
Catalan
*L'Opération Garzón fut un opération policière qui consista en la détention de 45 personnes liées à l'indépendantisme catalan. On les accusa de faire partie du groupe Terra Lliure, malgré que cette dernière avait déjà annoncé sa dissolution. Dix-huit d'eux furent condamnés pour appartenance à l'organisation armée. À la suite de dénonciations de tortures, le Tribunal Européen des Droits de l'Homme condamna en 2004 l'État espagnol pour n'avoir fait aucune enquête.
Je suis indépendantiste depuis que je me rappelle avoir une conscience politique, depuis que m'intéressaient les thèmes qui affectaient notre société. De fait, le jour que je me rappelle m'être intéressé à l'indépendance, c'est quand, en 1992 – j'étais très petit, j'avais 10 ans –, des indépendantistes ont été arrêtés au cours de l'Opération Garzón, (*) et que j'ai pensé : “Ceux qu'ils ont arrêtés sont des nôtres” ; ainsi je suppose que je devais ressentir une certaine identification, sûrement pas très rationnelle à ce moment-là. Au fil du temps, je me suis engagé dans les jeunesses d'ERC* et, non seulement j'ai commencé à défendre clairement l'indépendance, mais chaque fois l'engagement et l'apprentissage sont allés croissant. Je me suis rendu compte que ce n'était pas seulement une question de défense de l'identité de la langue ou de l'identité, qui avait motivé mon choix, mais aussi du droit de la société catalane à s'organiser comme elle voudrait, dans tous les domaines (économiques, énergétiques, sociaux et, évidemment, aussi culturels).
Quels avantages et
inconvénients voyez-vous dans la liste unitaire et les listes séparées ?
Une liste unique a un
avantage principal : elle élimine complètement – dans des élections à
caractère plébiscitaire – la compétition
entre les partis pour le votant le plus convaincu.
De mon point de vue,
disposer de plusieurs listes nous permet d'atteindre plus de votants en tenant
compte de la diversité qui existe dans le pays, parce que, même si les
indépendantistes envisagent des élections centrées sur l'indépendance, chaque
votant ira voter pour ses raisons ; ainsi nous devons proposer tous les
mécanismes pour rassembler toutes les sensibilités.
Une liste unitaire
devrait être réellement unitaire et transversale, c'est-à-dire d'Union
Démocratique de Catalogne jusqu'à la Candidature d'Unité Populaire.
Actuellement Oriol Junqueras et Mas sont en train de négocier, mais tous les
partis devront essayer de le faire. Unir tout cela n'est pas facile.
Si demain la Catalogne
devenait un État, quels aspects, selon
vous, devraient être changés le plus urgemment ?
Avant tout le système
judiciaire, puisque l'espagnol est lent, injuste et ne fonctionne pas. Il
faudrait aussi changer les mécanismes de régulation des marchés, parce qu'à
l'instant même ils sont confisqués par ceux-là mêmes qui devraient être
surveillés (banques, compagnies d'énergie, etc.).
Un autre aspect, dans ce
cas quand il s'agira de créer la Constitution catalane, c'est qu'il faudra
l'écrire comme participative, comme capable de s'adapter aux changements qui
puissent se produire dans la société, comme flexible. L'actuelle (l'espagnole)
est très rigide, sauf si on l'interprète d'une manière biaisée.
Quels aspects – plus
ponctuels – changeriez-vous de l'actuelle situation d'autonomie par rapport à
un État catalan ? Par exemple, moi, j’accorderais la priorité à une
législation sérieuse et efficace contre la maltraitance animale et la violence
sexiste.
Une fois proclamée
l'indépendance, et pour une question d'urgence sociale, il faudrait traiter le
thème du non-paiement des hypothèques. Créer une loi de dation en paiement et
de seconde chance (nous l'avons proposée au Parlement et le Congrès des Députés
nous l'a refusée). Cela devrait être un des premiers éléments parce que cela
condamne beaucoup de familles à l'exclusion économique, à travailler au noir
toute leur vie et à ne jamais pouvoir redresser la tête.
Il faudrait aussi simplifier
au maximum l'administration publique. L'actuelle accorde beaucoup de garanties
au citoyen et c'est une bonne chose, mais paralyse souvent l'activité que le
même citoyen veut mener à bien. Il faudrait simplifier, éliminer des procédures
et chercher d'autres systèmes de garantie plus efficaces.
Comment évaluez-vous
l'internationalisation du processus et quels aspects croyez-vous qu'il faudrait
améliorer ?
Le principal aspect
positif qu'il y ait eu jusqu'à présent de l'internationalisation du processus,
c'est qu'elle s'est produite, et elle s'est produite à la suite des grandes
mobilisations citoyennes de chaque 11 septembre et par le processus
participatif du 9 novembre.
Sur les aspects qu'il
faut améliorer, le DiploCat est en train de faire un travail important mais
c'est un travail de diplomatie publique, non de diplomatie officielle.
C'est-à-dire qu'il peut parler à des gouvernements mais il est surtout centré
sur la société civile. Ce dont nous avons besoin, c'est qu'il y ait une
majorité parlementaire avec un mandat indépendantiste pour expliquer à la
communauté internationale que nous voulons créer un État, et je crois qu'il est
urgent de le faire.
Le problème, c'est que
cela continue d'être une situation interne, et cela cesserait de l'être du moment
que cela affecterait des intérêts extérieurs. La communauté internationale ne
nous soutiendra pas parce que nous aurons raison ni parce que nous leur
semblerons sympathiques, mais parce que leurs intérêts peuvent être en danger
ou menacés si le conflit se prolonge. Quels intérêts ? Ceux des
multinationales étrangères et la stabilité de l'euro. La Catalogne est une
économie plus grande que la Grèce et les mouvements dans ce dernier pays ont
porté préjudice à la zone euro, et par conséquent personne n'a intérêt à ce que
l'économie catalane se tende pour des questions politiques. Ce thème intéresse
les gouvernements, puisque jamais nous n'avions reçu autant de demandes
d'information de la part de consuls et de chancelleries ; actuellement,
ils bougent en privé, mais dès que nous avancerons – à partir des élections –
l'intérêt ira croissant. D'abord, ils demanderont un changement interne (pacte
fiscal, modification de la Constitution) parce qu'ils ne veulent pas changer ou
ajouter de frontières, mais nous, nous devrons rester fermes sur le
fait que nous voulons l'indépendance et nous devrons réclamer que la communauté
internationale arbitre pour faire un référendum d'indépendance, dans lequel les
catalans votent et dont le résultat soit accepté, aussi bien par la Catalogne
que par l'Espagne, comme par la communauté internationale, ou nous devrons
déclarer unilatéralement l'indépendance. La première option nous convient
davantage parce que la reconnaissance est très importante.
Pourraient-ils suspendre
l'autonomie ?
Ils pourraient le faire,
mais ce serait anticonstitutionnel ; l'autonomie, en accord avec la
Constitution, ne peut être suspendue. Ils peuvent prendre le contrôle des
Mossos d'Esquadra* ou le commandement de l'Éducation, mais seul le président de
la Generalitat peut dissoudre le Parlement. L'article 155 de la Constitution
n'autorise le gouvernement espagnol qu'à donner des ordres aux fonctionnaires
catalans, mais n'autorise pas à prendre le contrôle du Parlement ; ainsi
la démocratie continuerait d'exister.
S'ils suspendaient
l'autonomie, ils porteraient atteinte au Statut, qui fait partie du bloc de
lois espagnoles, et cela ne pourrait se produire que s'ils déclaraient l'état
de siège. Dans ce cas, ils aboliraient les libertés fondamentales et cela
affecterait l'économie par le retrait des investissements, par la fermeture des
frontières, etc.
D'un autre côté
l'autonomie subit déjà une intervention, parce que c'est Montoro* qui décide le budget et le Tribunal
Constitutionnel qui censure les lois que nous créons.
Dans une interview que
j'ai accordée, j'ai dit que les citoyens devaient avoir confiance en les
politiques. Pouvons-nous avoir confiance dans le fait que le processus est
entre de bonnes mains ?
Nous n'avons pas d'autre
choix que d'y croire. Je suis convaincu que, si aujourd'hui le Président Mas
défend une chose différente de celle que je peux défendre, moi, à ERC, il le
fait parce qu'il est convaincu que c'est ce qu'il y a de mieux pour le pays, et
il n'y a, par conséquent, pas d'accord sans empathie. Si on est conscient de
cela, il est plus facile d'arriver à des accords.
Nous devons avoir
confiance les uns en les autres : les partis politiques doivent avoir
confiance en la société civile et vice-versa, ce système d'équilibre du pouvoir
marche très bien dans les démocraties et je crois que le processus, dans le
fond, est le reflet de l'État que nous voulons construire. Si nous maintenons
cet équilibre – dans lequel il y a un leadership politique mais aussi un
leadership civil – et qu'il y ait un point d'ancrage, tout marchera.
Prénom, nom, poste :
Pere Aragonès, député au Parlement de Catalogne pour Esquerra Republicana de Catalunya (@perearagones).
Aïda Fadrique Rubio (@gatadenit)
Traduit par Patrick Vedel, militant français d'ERC et les JERC
Catalan
*L'Opération Garzón fut un opération policière qui consista en la détention de 45 personnes liées à l'indépendantisme catalan. On les accusa de faire partie du groupe Terra Lliure, malgré que cette dernière avait déjà annoncé sa dissolution. Dix-huit d'eux furent condamnés pour appartenance à l'organisation armée. À la suite de dénonciations de tortures, le Tribunal Européen des Droits de l'Homme condamna en 2004 l'État espagnol pour n'avoir fait aucune enquête.
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