vendredi 18 janvier 2013

Le coup de force catalan


Le chef de l’exécutif, le nationaliste Artur Mas (à Barcelone, le 25 novembre), compte organiser un référendum l’année prochaine.

 
La semaine dernière, alors qu’il inaugurait la ligne de train à grande vitesse entre Barcelone et la frontière française - attendue depuis vingt ans -, le tribun nationaliste a égrainé ses tables de la loi en cinq commandements : «autodétermination», «transparence du processus», «dialogue», «légalité de la consultation», sans oublier«l’européisme de la Catalogne» , axe essentiel du discours pour éviter à tout prix d’être mis au ban de l’Union européenne au terme d’une hypothétique séparation.
Ce ne sont plus seulement de belles paroles à l’adresse des indépendantistes (52% des Catalans, selon un sondage de 2012 du très officiel Centre d’études d’opinion), c’est désormais une feuille de route. Depuis lundi, le programme du défi sécessionniste est officiellement en marche selon la Generalitat, le gouvernement catalan. Après de longues semaines de négociations bilatérales et d’anicroches, les deux principales formations séparatistes se sont mises d’accord sur la marche à suivre «afin d’éliminer tous les obstacles légaux d’ici à la fin 2013» : Convergència i Unió (CiU, le parti d’Artur Mas), et Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, indépendantistes de gauche), qui détiennent la majorité absolue au Parlement autonome, «iront main dans la main» pour se montrer à la hauteur «d’un défi historique».
Celui-ci n’est pas des moindres puisque le gouvernement national, à Madrid, dirigé par le conservateur Mariano Rajoy, a fait savoir qu’il s’opposerait «par tous les moyens» à cette consultation «illégale» et«absurde». La Constitution espagnole penche en sa faveur, puisqu’elle stipule que tout référendum doit être proposé par le roi avant d’être approuvé par une majorité des députés nationaux. Impensable.
Faisant fi des rodomontades issues du reste du pays, Artur Mas et les siens s’en tiennent à leur scénario. La prochaine étape aura lieu mercredi, lorsque les élus du Parlement de la communauté autonome - où 87 députés sur 135 sont favorables au référendum - affirmeront solennellement que «la souveraineté appartient aux seuls citoyens catalans» : une manière de légitimer le droit de la Catalogne à décider de son avenir propre. «Cela va contre toute logique constitutionnelle, confie le responsable socialiste Patxi López. En vérité, la seule source de légitimité est le peuple espagnol, principe d’autant plus justifié que la possible amputation de l’Etat affecterait tout le pays.» Les nationalistes catalans, bien conscients de ce choc de souverainetés incompatibles, considèrent que la volonté de «leur» peuple se situe au-dessus des lois espagnoles.
Écosse. Etape suivante : en février, les nationalistes mettront sur pied le Conseil catalan pour la transition nationale, un organisme qui aura la charge de coordonner toutes les initiatives officielles jusqu’à la si convoitée consultation, que les autorités de Barcelone voudraient faire coïncider avec le référendum en 2014 sur l’indépendance en Ecosse. Le point d’orgue sera la création d’une agence fiscale catalane.«Il faudra que nous soyons techniquement prêts à ce que les citoyens catalans puissent payer tous leurs impôts ici, et plus du tout à l’Etat espagnol» , a précisé Francesc Homs, l’homme de confiance d’Artur Mas et porte-parole de son exécutif.
Alors que l’affrontement entre Madrid et Barcelone est perçu de toutes parts comme inévitable, chaque camp affûte ses armes. Du côté catalan, on prévoit de lancer dans les semaines à venir une opération de séduction dans le reste de l’Europe. «Pour tisser des réseaux de complicités à l’étranger nous donnant plus de force», précise Homs. Artur Mas a prévu un prochain voyage à Berlin et à Bruxelles pour gagner des adeptes dans les hautes sphères politiques. Côté madrilène, certains ministres du gouvernement Rajoy, très remontés, ont évoqué plusieurs parades : le blocage par le Tribunal constitutionnel, la «suspension» de l’autonomie catalane, voire l’intervention de l’armée.
Coupes budgétaires. Prudent par nature, Mariano Rajoy compte, lui, sur deux possibles conjonctures adverses : d’abord, l’aggravation de la crise budgétaire de la Catalogne, au bord de la faillite - la région a sollicité une aide d’environ 7 milliards d’euros à Madrid. En outre, la rupture entre Artur Mas et ses amis indépendantistes d’ERC (la formation de gauche) a conditionné son alliance avec le leader catalan à l’adoucissement des coupes budgétaires drastiques dans la santé et l’éducation. «C’est le nerf de la guerre, confie le politologue Gil Calvo.Le libéral Artur Mas, chantre de l’austérité, doit trouver un moyen d’atténuer sa politique de rigueur, et ce sans fâcher Bruxelles. Sans quoi, il perdra un allié sans lequel il ne peut poursuivre son chemin vers l’indépendance.» Une gageure.
 
Par FRANÇOIS MUSSEAU
Source: Liberation

1 comentaris:

  • Asetey says:
    18 janvier 2013 à 18:10

    I wish Catalan all the luck there is, on her struggle for Independence.

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