samedi 8 mars 2014

Faire la propagande de l'Espagne en Catalogne

Dans quelques jours, la présidente du Conseil Régional de l'Andalousie  se rendra en Catalogne pour y mener une campagne contre le référendum convoqué en novembre prochain par le gouvernement de la Generalitat.  Avec Rajoy et Rubalcaba, Susana Díaz complètera la fourche du PPSOE  qui essaiera de convaincre les Catalans, tous les Espagnols et l'Europe que les aspirations des Catalans à décider d'eux-mêmes ne peuvent en aucun cas se matérialiser.
Il semblerait que "notre" Susana se trouve à l'étroit en Andalousie et que les problèmes andalous ne suffisent pas à combler  ses aspirations. C'est pour cela que depuis qu'elle a fait le saut de l'appareil de son parti au centre des projecteurs de la tromperie qu'est devenue la politique,  elle s'évertue à avoir de l'importance au sein du PSOE et en dehors et à exercer un jacobinisme espagnoliste qui est ancré dans ce parti. Etant donné que l'idée d'un "nouveau modèle de production" semble abandonnée et que le futur andalou  se projette à nouveau pour que nous continuions à être un pays subalterne, presque une colonie interne, avec une économie basée sur l'industrie minière et la construction (sûrement pour le tourisme), madame la présidente a tout le temps pour s'envelopper dans le drapeau rouge, jaune et rouge et se consacrer à "défendre l'Espagne". Et elle le fera en terres de mission, en Catalogne, comme une nouvelle Agustina d'Aragon afin d'y faire la propagande de l'Espagne en niant le droit de décider des citoyens catalans.
Elle fera sûrement la propagande de cette option fédérale que son parti défend actuellement et que personne, en dehors ou au sein même de ce parti, sait expliquer en quoi cela consiste. Et elle osera s'adresser particulièrement aux Andalous qui eurent à émigrer en Catalogne et qui sont, avec leurs enfants, des citoyens de cette nation sans pour cela avoir dû nier à continuer de se sentir andalous (ce qui ne sera pas compris par ceux qui confondent la Nation avec l'Etat et l'intégration sociale avec la perte de l'identité culturelle) et qui sont les mêmes à qui on a refusé le droit de continuer à être des citoyens andalous en plus d'être citoyens catalans. Elle essaiera de les convaincre d'adopter une espèce de lerrouxisme et de se comporter comme une cinquième colonne espagnoliste. Cela me semble une manœuvre grossière et dangereuse.
Lors des deux ans de droite de la IIème République, quand le président de la Generalitat, Lluis Companys, et d'autres dirigeants catalanistes furent prisonniers dans la maison d'arrêt de El Puerto de Santa María pour avoir proclamé l'Etat catalan, Blas Infante et les nationalistes de la libération andalouse vinrent leur rendre visite à plusieurs reprises et soutinrent publiquement leur cause. Est-ce que quelqu'un doute sur quel serait le positionnement aujourd'hui de celui qu'on qualifiait du bout des lèvres de "père de la patrie andalouse" sur le droit de décider que revendique sans aucun doute une majorité de citoyens de la Catalogne ? (Si quelqu'un est en désaccord avec une majorité ou croit que la plupart de ceux qui défendent ce droit n'est pas entièrement indépendantiste, il devrait soutenir le déroulement du référendum et il n'aurait ainsi plus de doutes).
L'irruption en Catalogne de Susana Díaz, qui n'est pas seulement une des dirigeantes du  PSOE (ce qui montre jusqu'où est arrivé ce parti) mais aussi la présidente de l'Andalousie, ne répond  en aucun cas à des intérêts andalous. Notamment parce qu'elle ignore qu'en tant que peuple, en tant que "réalité nationale" (je prends cette expression du Statut d'Autonomie en vigueur), l'Andalousie a le même droit que n'importe quel autre peuple de mettre sur la table, si suffisamment d'Andalous étaient disposés à cela,  son droit de décider d'elle-même (comme la Catalogne essaie de faire). Reste à décider si pour rendre possible les profondes transformations dont nous avons besoin, tant sur le plan économique que social et politique, il nous convient d'avoir ou non des structures d'Etat ou des structures confédérales (comme Blas Infante le défendait) ou si le cadre autonomique actuel est suffisant. En toute légitimité, on peut diverger sur ce qui serait le plus adapté et ce qui serait une erreur et il faudrait se baser sur des études rigoureuses et impartiales sur les conséquences (et pour qui) de ces différents choix, mais l'on ne peut nier d'emblée à aucun peuple son droit d'exprimer librement  son opinion majoritaire et que celle-ci soit respectée. Qu'il s'agisse du Kosovo, du Sahara Occidental, de l'Ecosse, de la Catalogne... ou de l'Andalousie. Parce que ceci est, simplement, un droit démocratique (que reconnaissait d'ailleurs le PSOE jusqu'à sa reconversion pendant la transition politique).
 Que la constitution de 1978 nie le caractère plurinational de l'Etat espagnol est un argument très pauvre pour disqualifier le référendum du 9 novembre en Catalogne. Cela reflète les graves insuffisances démocratiques, dans ce domaine et dans d'autres, de cette Constitution. Et cela révèle son caractère fortement nationaliste (de nationalisme espagnol). Si Zapatero et Rajoy ont changé en une nuit un de ses articles pour satisfaire les exigences du capital financier, que personne ne dise qu'on ne peut pas faire des réformes dans un domaine comme celui-ci, qui concerne tous les peuples péninsulaires et leur cohabitation. Si des réformes légales ne sont pas envisagées pour que ce qui est démocratique coïncide avec ce qui est légal, c'est parce que cela n'est pas souhaité. Pour cela également,  comme pour tant d'autres choses, l'unité entre le PP et le PSOE est totale.

Isidoro Moreno Navarro, professeur d'Anthropologie sociale et culturelle à l'Université de Séville.  "Prix L'Andalousie de Recherche Plácido Fernández Viagas sur des sujets andalous" (2001) et "Prix international Ethno-démo-anthropologique  Giuseppe Pitré" (2005) et "Prix Fama" de l'Université de Séville.

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