dimanche 13 octobre 2013

Entretien avec Jordi Vàzquez, éditeur de Help Catalonia


Son nom est inconnu de la plupart d'entre nous, même si nous lisons souvent ce qu'il révèle en cinq langues bien au-delà de nos frontières. Jordi Vàzquez (Barcelona 1971) est l'éditeur de Help Catalonia, un site web et une communauté de volontaires fondée en 2010 par six personnes qui twittaient en anglais pour la défense du droit d'autodétermination de la Catalogne. D'usagers de Twitter, ils sont devenus une plate-forme numérique - avec un réseau étendu de collaborateurs - qui explique au monde les événements qui interviennent entre la Catalogne et l'Espagne, en anglais, français, allemand, italien et espagnol. Vous en avez sûrement entendu parler !

Qui y a-t-il derrière Help Catalonia ?

Du volontariat. Nous sommes actuellement plus de 60 volontaires à y collaborer.


Y a-t-il un quelconque parti politique derrière ?

Absolument aucun. Nous refusons les prises de position politiques, nous sommes un mouvement transversal et nous ne voulons pas non plus d'aide extérieure. Ceci limite notre action car si nous disposions de moyens financiers, le message serait plus puissant et nous pourrions faire des campagnes internationales. Nous envisageons la possibilité de demander peut-être des micro-dons aux citoyens.


Dans le processus catalan, qu'est-ce qui intéresse la presse internationale ?

Les menaces espagnoles. Qu'un Etat interdise la volonté démocratique d'un peuple est une nouvelle importante car cela n'était pas arrivé en Europe occidentale depuis plus d'un demi-siècle. Elle est intéressée, par exemple, par la légitimation de la violence de la part du vice-président du Parlement Européen, l’impérialisme linguistique, l'intervention brutale de l'Etat espagnol en Catalogne, l'impunité avec laquelle on a assassiné Guillem Agulló ou que douze juges dénaturent un Statut approuvé démocratiquement. Ce qui intéresse le moins, c'est la spoliation fiscale. En fait, la presse internationale croit que la spoliation est venue en même temps que la crise.

Pourquoi la spoliation n'intéresse-t-elle personne ?

Parce qu'on pense que ce n'est pas une question qui justifie une sécession. Mais il n'est pas non plus certain que le conflit entre l'Espagne et la Catalogne soit dû à la spoliation fiscale !

Avez-vous des contacts avec les correspondants étrangers basés à Madrid ?

Moins que nous ne le voudrions car leur volonté, en général, n'est pas d'écouter les deux parties. Il faut être très courageux pour écrire sur la Catalogne quand on est à Madrid, d'autant que le message de la presse espagnole est unanime. Le correspondant étranger en lit les articles et ce sont ceux qu'il copie souvent. Pour y aller et avoir une chance de les influencer, il nous faudrait des moyens. Pour l'heure, nous recevrons les équipes de presse étrangère qui se sont déjà mises en contact avec nous pour la Diada (11 septembre, fête nationale catalane, ndt).


Quelle bataille avez-vous déjà gagnée ?

Surtout celle de la terminologie. Nous avons introduit en cinq langues certains termes qui ont déjà pris à l'extérieur et commencent à être utilisés dans certains journaux. Par exemple, "unionisme" et "terrorisme espagnol".

Quels sont les pays et régions les plus favorables au processus ?

Gibraltar y est très favorable, et c'est notre porte d'entrée à Londres. Parmi ceux qui nous sont le plus favorables, il y a également l'Ecosse, l'Irlande, le Kossovo, la Pologne et les Etats Unis - où l'espagnolisme est en très mauvaise posture et où beaucoup d'Etats n'admettent pas l'officialité de l'espagnol -. Nous recevons de plus en plus de témoignages de sympathie.

Pensez-vous que l'Etat espagnol ait pris toute la mesure de l'enjeu ?

Nous ne devons pas commettre l'erreur de sous-estimer l'ennemi, c'est un adversaire brutal qui peut dépenser 25 millions d'€ dans l'achat de deux hélicoptères, ce qui, par ailleurs, ne plaît guère aux Allemands. Ceci est une bataille de David contre Goliath, mais avec peu de moyens nous pouvons les vaincre parce qu'ils n'ont pas cherché à se tisser des liens, la diplomatie espagnole est très arrogante. Là où l'Espagne a un ennemi, nous avons un allié potentiel. Et elle en a beaucoup !


 Etes-vous le point de mire des services d'espionnage espagnols ?

Nous prenons des mesures pour que, si nous le sommes, cela ne nous touche pas. Help Catalonia est située en dehors du royaume d'Espagne et, par conséquent, pourra fonctionner de façon autonome dans le cas où ils décideraient d'occuper militairement la Catalogne.

Comment un citoyen qui le souhaite peut-il collaborer avec Help Catalonia ?

Dans notre web il y a un formulaire où il peut laisser ses données personnelles, qui sont traitées de manière confidentielle, et nous expliquer ses compétences afin de pouvoir déterminer dans quel domaine il peut être le plus utile à la cause.

Twitter et les nouvelles plates-formes numériques ont-elles rendu audible un cri qui était étouffé ?

Absolument. Elles ont été un élément clé.

Le catalan peut-il être donc le premier processus indépendantiste 2.0 ?

C'est une bonne définition. Sans nul doute, le 2.0 a fait exploser la structure classique des organisations politiques. Et en Catalogne, à la différence de l'Ecosse, il existe beaucoup de mouvements indépendantistes non organisés qui se servent des réseaux sociaux.

Quel est le domaine encore inexploré ?

Les grandes campagnes internationales d'agitation. Il faut des actions percutantes pour s'attirer des sympathies car les manifestations et les chaînes humaines finiront par montrer leurs limites. Notre ligne de conduite est de nous faire des amis partout dans le monde afin de compter sur leur soutien indispensable au moment venu. Nous faisons de la diplomatie civile car l'indépendantisme catalan souffre d'une certaine arrogance et, historiquement, il n'a pas cherché à tisser des liens.

Par Meritxell Doncel @m_doncel/Journaliste et Advocate.

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