samedi 21 septembre 2013

Les conséquences de la Guerre de Succession : l’histoire de 5 000 barcelonais obligés d’abandonner leurs maisons





« Entre 1717 et 1718, 17% de la superficie de la Barcelone de l’époque a disparu, ce qui équivaudrait à une destruction plus grande que celle produite par la guerre elle-même.”  L’artiste Frederic Perers explique comment il rend hommage aux 73 familles obligées de quitter leurs maisons. »


1.       Qu’est-ce que les visiteurs trouveront autour du Marché du Born? L’avez-vous réalisé tout seul ou vous avez reçu une collaboration? Jusqu’à quel  jour pourra-t-on voir La Ribera rend hommage à la Ribera?

Les visiteurs y trouveront 73 noms de famille affichés aux balcons des façades qui donnent sur le Marché, de la lignée des 73 familles qui vivaient dans les maisons trouvées dans les gisements archéologiques. Elles représentent symboliquement les cinq mille Barcelonais qui ont été obligés par les autorités des Bourbons de quitter leurs maisons à cause de la construction d’une forteresse militaire : la Ciutadella. La Ribera rend hommage à la Ribera est un projet personnel fait avec la participation indispensable des habitants et pourra être visité même après la Diada.  


2.       Qu’est-ce qui  est arrivé à ces milliers de Barcelonais du quartier de La Ribera en 1714? Quel en a été l’impact pour la ville?

En septembre 1714, vers la fin de la Guerre de Succession, Barcelone était vaincue et occupée par les troupes franco-espagnoles. Avec le décret de Nova Planta, Philippe V abolissait les institutions propres de la Catalogne et imposait l’organisation politique espagnole. Cependant, la répression de Philippe V contre la capitale catalane n’était pas encore terminée. Après la guerre, un des premiers objectifs des vainqueurs  a été de construire deux forteresses afin de dominer les citoyens et d’éviter toute tentative de rébellion. La première rébellion, qui devait commencer aux Drassanes, ne s’est jamais produite. La deuxième allait se situer du côté du fleuve du Besòs, à côté du bastion de Santa Clara, et allait avoir des conséquences brutales pour le Quarter de Mar. Construite en 1716, la forteresse devait avoir un grand espace libre de bâtiments, ce qui équivalait à une destruction encore plus grave que pendant la guerre.

Entre 1717 i 1718 les démolitions ont commencé afin de faire apparaître l’esplanade. Du coup, plusieurs rues et quartiers ont été ravagés et 17% de la superficie urbanisée de Barcelone a disparu en 2 ans.

Les propriétaires, dont certains avaient reconstruit les parties des maisons endommagées par l’armée des Bourbon, ont été expropriés sans indemnisation et obligés de démolir leurs propres immeubles. Cinq mille habitants –une population comme celle qu’il y avait à l’époque dans les villes de Girona ou Vic–  ont été obligés de partir, dont 70% dans les villages voisins.

Devenue une immense esplanade, cette zone n’a été reconstruite qu’à la fin du siècle suivant. En 1869, les territoires de la Ciutadella ont été  rendus à la ville et quelque temps après, l’architecte Fontserè devait planifier le parc et le marché et réurbaniser la zone, donnant au quartier son apparence actuelle.


3.       Comment vous est venue l’idée de leur rendre hommage?

A la fin de l’année 1999, j’ai déménagé et j’ai installé mon bureau dans la rue Ribera, très près d’une des portes latérales du marché. En 2001, à l’intérieur du marché, ont démarré les excavations qui allaient découvrir la Barcelone du XVIIIe s. Depuis mon balcon, j’ai pu voir l’évolution de ces travaux qui rendaient de plus en plus visibles les ruines de la Barcelone d’avant l’occupation des Bourbons.

En 2003, pendant la Diada, la télévision catalane a diffusé le documentaire Le Born, un lien avec le passé, réalisé par Jordi Fortuny et Marina Pi. C’était la première fois, d’après mes souvenirs, que j’étais informé de la tragédie vécue dans le quartier après le siège de 1713-1714,  car j’apprenais les chiffres du désastre humain.

Mes œuvres sont fondées selon le lieu, l’endroit des faits. Evidemment, la connaissance de cette malheureuse histoire des citoyens de La Ribera, m’a encouragé énormément à commencer un mémorial qui leur serait consacré. Practiquement dès le début, j’ai pensé à utiliser les noms de familles de ces citoyens, mais la seule personne qui pouvait me fournir ces données,  c’était l’historien Albert Garcia Espuche, la personne qui connait le mieux l’histoire de ce quartier. Par ailleurs, Garcia Espuche travaillait déjà à une œuvre,  La ciutat del Born, qui allait voir le jour en 2009.

Avec la publication et l’obtention des noms de famille, on était à mi-chemin parce qu’il fallait connaître quel serait le soutien des habitants du quartier. Le projet La Ribera homenatja la Ribera (La Ribera rend hommage à La Ribera) a été repoussé plusieurs fois et finalement, fin 2012,  j’ai décidé de le reprendre et de le mettre en œuvre au début de l’année 2013, avant l’ouverture du Born Centre Culturel. 






4.       Pourquoi mettre des toiles aux bacons? Le but est de faire participer les habitants (ou du moins ceux qui habitent dans le quartier) ?

J’aimais l’idée de voir les habitants de la Ribera rendre hommage aux habitants du passé,  les habitants d’aujourd’hui être les acteurs principaux de ce projet et les acteurs du retour des noms de famille des exilés. Séparés seulement par le temps, les habitants actuels de la Ribera se sont solidarisés symboliquement avec les habitants du passé. Avec un souvenir austère,  serein et silencieux, sans sigles politiques ni slogans.
Et j’aimais tout particulièrement que l’on utilise comme support les balcons, la partie la plus publique d’une maison. Ainsi, dans cet espace où, sans sortir de chez soi, les habitants affichent et expriment individuellement leurs revendications et leurs joies collectives.
Des balcons décorés des noms de famille, une façon directe, visible, viable et participative de rendre hommage.


5.       Quel est le principal objectif?

D’un côté, rendre hommage aux expulsés de la Vilanova dels Molins de la Mar, la Fusina, la zone du couvent de Santa Clara, la Ribera, la plaine de Llull,…  des quartiers disparus, avec des noms dont presque personne ne se souvient. Paradoxalement, trois siècles après ces événements, la ville devait encore rendre hommage aux Barcelonais qui, après un siège brutal et sous contrainte étrangère, ont été forcés à abandonner leurs maisons.

D’autre part, le but est de faire que les citoyens de La Ribera prennent conscience qu’ils vivent dans la zone 0 de 1714, lieu de la barbarie. Les habitants actuels de La Ribera vivent dans les premiers bâtiments construits après la destruction de cette zone de Barcelone. Il fallait réincorporer les événements à la mémoire collective du quartier et du pays. 


6.       Considérez-vous comme  important de rappeler ces événements de 1714 et leurs conséquences? Pourquoi?

Se faire expulser avec des bombes est un fait terrible qu’on ne pourra jamais oublier en tant que pays. Notre amoindrissement en tant que peuple a commencé avec ces événements, mais cette date tragique marque aussi le début du chemin tortueux vers la récupération de la plénitude nationale. Il a fallu que beaucoup de générations y croient pour arriver à la situation actuelle, aux portes de l’indépendance.


 Frederic Perers
7.       Y-a-t-il une relation entre les Catalans de 1714, ou la situation à laquelle ils faisaient face, avec celle des Catalans d’aujourd’hui?

Dans les deux cas, on est face à une impasse, un moment déterminant pour l’avenir  du pays. La différence se trouve dans la direction des événements. Alors qu’il y a 300 ans, la Catalogne avait touché le fond avec la perte de ses libertés nationales, aujourd’hui se présente l’occasion de redevenir les propriétaires de notre futur. Le fait est qu’avant, les choses se décidaient violemment et c’était toujours le plus fort qui gagnait. Aujourd’hui, les décisions sont prises par la majorité et si on s’unit, on sera ce qu’on voudra être, malgré l’Espagne ou le monde. 

Txell Parera, Help Catalonia/Aidez la Catalogne

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