dimanche 14 avril 2013

Lettre ouverte a un dirigeant Européen




Il est bon que vous sachiez, vous qui exercez des responsabilités dans certains des gouvernements de l'Union européenne ou dans l'Union européenne elle-même, que lorsque le chroniqueur Matthew Parris, du Times, remarquait que la Catalogne était une bombe à retardement, il n’était dans le vrai qu’en ce qui concerne la capacité dévastatrice que pourrait avoir pour l’Europe un enchaînement d’événements non maîtrisés en Catalogne, avec des effets bien plus considérables que Chypre et le Portugal. Pour le reste, il se trompe en ce qui concerne le diagnostic et le moment de l'explosion.
Il faut savoir que ce n’est qu’une question de semaines ou de mois avant que la bombe n’explose. Et l'explosion ne se produira pas suite à un référendum sécessionniste qui n'aura pas même eu le temps matériel de se produire. L'explosion sera sociale avec à terme des conséquences nationales. Mais avec dans l'immédiat des conséquences économiques et sociales pour l’Espagne et donc pour l'Europe.
Voilà pourquoi :
1. L’Etat espagnol doit dans l’état actuel de la législation de l’ordre de 10 milliards d’euros au gouvernement catalan.
2. Le gouvernement central espagnol applique la réduction du déficit de forme biaisée en faisant supporter aux gouvernements régionaux autonomes une réduction  proportionnellement supérieure à la part des budgets régionaux dans l’ensemble des budgets de l’Etat.  Il faut savoir qu'en Espagne, les régions autonomes gèrent l'ensemble des prestations de l'Etat-providence: santé, écoles, services sociaux etc.
3. Cela veut dire que les structures de l’Etat central, plutôt que de perdre du poids, en gagne en évitant de prendre des mesures de contention de la dépense dans leurs domaines de compétence. Le gouvernement central, qui dispose de la majorité des budgets publics, gère essentiellement de grandes infrastructures inefficaces telles que le réseau aéroportuaire, le TGV (l’Espagne est le premier pays au monde en lignes de TGV par habitant) et une armée surdimensionnée pour un pays redevenu pauvre. En outre, l'argent public sert à boucher les trous creusés par un système financier qui a créé une économie basée sur  l’immobilier en tuant l'économie productive.
4. Entre régions autonomes, la répartition des ressources est très inégale. La Catalogne a un déficit fiscal de 9% de son PIB, c’est-à dire que 9% du PIB annuel catalan est ponctionné par le biais des impôts payés à Madrid et réinvestis hors de Catalogne, alors que la plupart des 17 régions autonomes disposent au contraire d'un excédent fiscal, dans certains cas équivalent à plus de 10% de leur PIB. Paradoxalement, ces régions structurellement réceptrices n'ont pratiquement pas à effectuer de coupes budgétaires. Alors que le chômage a atteint 27% en Catalogne et que le secteur de la santé et de l’éducation sont au bord de l’asphyxie.
5. Dans ce contexte, le gouvernement central  a l'intention d'imposer des coupes budgétaires de plus de 4 milliards d’euros en Catalogne en lui imposant un objectif de déficit de 0,7%. En termes relatifs, une réduction budgétaire bien supérieure à celle imposée à Chypre et au Portugal, avec la circonstance aggravante que la Catalogne ne dispose d'aucun instrument d'Etat, 9% de son PIB étant absorbé par un Etat central qui lui doit en outre 10 milliards.
Dirigeants européens qui lisez cette lettre, sachez que la société catalane n'a pas éclaté avant du fait de l’espoir qui est né de changer ce système politique en créant un Etat catalan pour pallier les manquements de la démocratie et de la justice sociale en Espagne et l'inefficacité de l'Etat espagnol . Un processus de séparation arbitré par l'UE et négocié avec l'Espagne permettrait d'engager un processus de réforme des fondamentaux, en commençant par la réforme d’un Etat espagnol qui est un cancer pour la plupart de ses habitants. Si l'UE permet que l'Espagne fasse exploser la Catalogne, soit 20% du PIB de l'Espagne, 25% de ses recettes fiscales, source de financement de l'Espagne assistée, le tiers de ses exportations et 40% des exportations de haute technologie et dans certains domaines de recherche, dans les 24 heures suivant l’explosion de la Catalogne, c’est  l'Espagne qui tombe. Et dans son sillon, l’UE. Bref, vous tous qui observez souvent à distance et dans l'indifférence les sacrifices que font les citoyens de Catalogne, aujourd’hui comme à d'autres moments de leur Histoire.
Celui qui vous le dit a été 7 ans ministre catalan de l'industrie, du commerce, du tourisme et des universités. Restez vigilants!.

Josep Huguet
@Josep_Huguet
Ancien ministre du gouvernement de la Catalogne (2004-2010)
Président de la fondation Irla
 
 

 

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