mardi 11 juin 2013

Treize états d'Amérique, il y a deux siècles


On parle beaucoup de la question de savoir si le droit espagnol actuel permet que la Catalogne puisse décider de manière autonome si elle veut devenir un Etat pleinement souverain. On parle beaucoup de la possible réaction agressive qu’aurait l’Espagne si la Catalogne exprimait sa volonté de décider. On parle beaucoup de la la question de savoir si les organismes européens pourront et voudront soutenir cette possible sécession. On parle beaucoup de la disposition du reste du monde à reconnaitre que la Catalogne soit un état indépendant.

On en parle beaucoup. Beaucoup trop.

On en parle tellement qu’on oublie que le droit de décider est une action qui réside dans le peuple qui peut l’exprimer, et que chaque peuple a le devoir et la responsabilité de décider si, face à une situation considérée comme injuste et amorale, il veut continuer à être attaché indéfectiblement à celui qui, avec un esprit mesquin et de manière permanente et organisée, soumet ce peuple contre sa volonté à des lois, normes et actions qui attaquent directement ses caractéristiques essentielles et mettent en péril sa survie même.

Nous ne parlons pas d’une émancipation par laquelle celui qui a le pouvoir le cède volontairement à celui qui veut s’émanciper. Nous n’en parlons pas parce que celui qui devrait céder ce pouvoir n’a pas la moindre intention de le faire. Au contraire, ce que cherche celui qui détient le pouvoir c’est de le perpétuer et de créer les conditions pour inhiber celui qui à un moment donné veut le lui demander.

Il nous faut parler d’un peuple qui veut ce qui lui appartient, qui veut décider de son avenir, choses qui lui sont refusées par celui qui détient le pouvoir et qui de plus agit de manière planifiée pour éradiquer ce peuple, pour l’assimiler à une culture et à un monde qui n’est pas le sien.
En relisant l’Histoire je suis tombé sur un texte qui aiderait peut-être à comprendre le sentiment des Catalans et qui pourrait parfaitement être la déclaration d’indépendance de la Catalogne,

Lorsque, dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l'ont attaché à un autre et de prendre, parmi les puissances de la Terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit, le respect dû à l'opinion de l'humanité oblige à déclarer les causes qui le déterminent à la séparation.

Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur. La prudence enseigne, à la vérité, que les gouvernements établis depuis longtemps ne doivent pas être changés pour des causes légères et passagères, et l'expérience de tous les temps a montré, en effet, que les hommes sont plus disposés à tolérer des maux supportables qu'à se faire justice à eux-mêmes en abolissant les formes auxquelles ils sont accoutumés. Mais lorsqu'une longue suite d'abus et d'usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future. Telle a été la patience de ces Colonies, et telle est aujourd'hui la nécessité qui les force à changer leurs anciens systèmes de gouvernement. L'histoire du roi actuel de Grande-Bretagne est l'histoire d'une série d'injustices et d'usurpations répétées, qui toutes avaient pour but direct l'établissement d'une tyrannie absolue sur ces États. Pour le prouver, soumettons les faits au monde impartial….

La suite du texte explique les causes qui ont conduit le peuple à prendre cette décision pour se protéger, sans cherche à nuire ou à mépriser l’Etat dont il se sépare, mais simplement comme une volonté claire de garantir sa survie, la liberté et le bonheur que leur refuse l’Etat dont il fait partie contre sa propre volonté.
C’est un texte pas trop long, de 1330 mots, titre inclus. Il est compréhensible, convaincant, clair, explicite. Moi, en tant que Catalan, après l’avoir lu calmement, j’y souscris et le fais mien presque intégralement. C’est la Déclaration d’Indépendance des treize Etats-Unis d’Amérique signée le 4 juillet 1776.

Je demande seulement à tous ceux qui s’interrogent avec étonnement sur ce qui se passe en Espagne et sur ce que demandent les Catalans, qu’ils lisent cette déclaration ou que ceux qui la connaissent déjà la relisent. Et qu’une fois lue ou relue ils pensent à un peuple pacifique, disposant d’une langue et d’une culture qui sont au minimum aussi anciennes que la langue et la culture espagnoles, mais qui n’ont pas la possibilité d’être utilisées normalement et quotidiennement. Qu’ils pensent à un peuple qui se trouve étranglé en permanence par les impôts qu’il paie, sans que ceux-ci ne répercutent sur son bien-être; à un peuple qui adopte des lois qui sont par la suite amendées ou tout simplement abrogées; à un peuple qui se voit méprisé ou dédaigné par l’Etat auquel il appartient; à  un peuple qui continue stoïquement à travailler  et à payer en attendant le jour où tout ira mieux et où il recevra enfin ce qui lui revient.

Et je leur demande enfin qu’ils réfléchissent à ce que devraient faire les Catalans, en voyant qu’ils se trouvent aux portes de la disparition en tant que culture, langue et peuple à cause du pays dont ils font partie, comment ils devraient agir, comment ils devraient réagir, ce qu’ils devraient faire. Et après y avoir réfléchi je leur demanderais qu’ils relisent à nouveau la Déclaration d’Indépendance des treize Etats-Unis d’Amérique.

Et qu’ils pensent aux Catalans. Merci.

Albert Sagués


 

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