lundi 3 juin 2013

Lignes rouges en Europe


La suspension, provisoire pour le moment mais qui devrait devenir définitive, de la déclaration de souveraineté du peuple de Catalogne par la Cour constitutionnelle espagnole place la Catalogne dans une situation de confrontation avec l'Espagne. Pour la deuxième fois en moins de trois ans, le gouvernement de Madrid a utilisé le système judiciaire pour barrer la route aux aspirations nationales et citoyennes des Catalans. L'arrêt de la Cour constitutionnelle espagnole du 8 mai 2013 tente d'empêcher l'exercice du droit d’autodetermination par la société catalane, tout comme l’arrêt du 30 juin 2010 revenait en grande mesure sur les compétences économiques et culturelles pourtant prévues par le Statut d'autonomie de la Catalogne adopté par le Parlement espagnol et ratifié par les Catalans lors d'un référendum en 2006. Ce nouveau Statut avait pour objectif de combler les lacunes du précédent Statut, adopté en 1979 à l'ombre des menaces militaires qui ont marqué la transition de la dictature franquiste à une démocratie fondée sur la monarchie des Bourbons.

Au cours des trois dernières décennies, la Catalogne a été constamment confrontée à un comportement déloyal de l’Etat. Déloyal tout d'abord, en matière de financement, dans la mesure où plus de 8% du PIB catalan est transféré chaque année au gouvernement central afin de répondre aux besoins des autres régions. Déloyal aussi en matière culturelle et linguistique, avec des menaces constantes contre l'école catalane. Enfin, en ce qui concerne l’action internationale, l'Etat a toujours empêché à la Catalogne de montrer au monde son vrai visage. Quant aux espoirs de construction d'un Etat fédéral multinational, ils n’ont pas été satisfaits, au contraire: au cours des dernières années, l'Etat a mis en œuvre une invasion constante des compétences du gouvernement autonome catalan, dans un sens clairement recentralisateur.

Avec la suspension de la déclaration de souveraineté, le gouvernement de Madrid annonce que ce qu’il considère l’indivisible unité nationale espagnole n’est pas négociable. La direction des services juridiques de l'Etat, qui a déposé le recours, a averti que si l’arrêt de la Cour constitutionnelle espagnole, qui sera rendu en octobre 2013, annule la déclaration définissant la Catalogne comme sujet politique et juridique, ceci devrait permettre d’empêcher un référendum organisé par le gouvernement autonome catalan ainsi que des élections au Parlement de Catalogne qui seraient présentées comme un plébiscite de facto pour ou contre l’indépendance. L'avertissement des services juridiques de l'Etat rendrait donc complètement stérile la proposition officielle catalane de négocier la tenue d’un référendum autorisé par la Constitution, qui requiert l'approbation du gouvernement central, comme dans le cas de l'Écosse et du Royaume-Uni.

Cette escalade des recours et des interdictions violant les principes démocratiques pourrait aboutir à l'application en Catalogne de l'article 155 de la Constitution qui prévoit la suspension de l’autonomie. Ou de l'article 8, qui confie à l’armée le maintien de l'unité nationale. Deux scénarios contraires au Traité sur l'Union européenne et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, ou à l'esprit d’organisations internationales telles que le Conseil de l'Europe, le Haut-Commissariat pour les minorités nationales,  siégeant à La Haye, ou l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. La communauté internationale doit veiller à ce que  ne soient pas franchies en Europe les lignes rouges de la démocratie et de la coexistence pacifique.

Llibert Ferri
@llibertferri

Journaliste.
Ancien correspondant et envoyé spécial en Russie et en Europe de l'Est pour la télévision publique catalane.

 

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