mercredi 29 mai 2013

Aznar, ce franquiste phalangiste

«Quiconque pense que seule est en jeu l'unité de l'Espagne se trompe. Avant tout, c’est l’unité de la Catalogne qui est en jeu » José-María Aznar a défendu ce propos lors d’un acte de la FAES (think tank de la droite espagnole) devant Mariano Rajoy, et il a demandé un amendement constitutionnel visant à réduire la «déloyauté, le chantage et les menaces » que représentent d’après lui les aspirations souverainistes catalane et basque. Et M. Aznar de renchérir : « Toute formule fédérale, confédérale ou autre qui implique de remettre en cause la souveraineté nationale espagnole est impossible. […] La Catalogne ne peut continuer unie sans rester unie à l’Espagne. » Avant d’affirmer que l'Espagne « ne saurait être rompue », car ceci ne pourrait se passer qu’après que « la Catalogne ait subi auparavant sa propre rupture en tant que société, culture et tradition. » A ce stade, personne ne peut être surpris par l’agressivité et par le ton proche du nationalisme serbe des mots proférés par l’ancien président espagnol et gourou de la FAES, par l'espagnolisme croissant et agressif qui imprègne tout le système politique espagnol, jusqu’à la gauche communiste de Cayo Lara. M. Aznar est la clef de voute de l'hégémonie idéologique que l’extrême droite exerce en Espagne. Faisons un retour en arrière sur la trajectoire de ce personnage avec une sélection de textes rassemblés par Tk INFO :




ils nous rappellent l’adhésion de José María Aznar à la Phalange Espagnole, le parti espagnol nationaliste et fascisant créé dans les années 20 sur le modèle mussolinien, qui sera par la suite le principal soutien du général Franco durant la Guerre civile et les 40 ans de dictature.

• «Les jeunes phalangistes sont fatigués de donner et de ne pas recevoir; ils sont fatigués d'entendre des promesses et de recevoir des échecs; ils sont fatigués d'entendre de « beaux discours » qui ne servent qu'à créer plus de confusion... Moi, en tant que jeune, ayant reçu un exemplaire des Œuvres complètes de José Antonio Primo de Rivera [idéologue et politicien fasciste qui inspira le coup d’état de Franco], j'ai déjà pris une décision. » (Revista SP, 1969).

 • «Quand on est lycéen, soit on est un peu révolutionnaire, soit on n'est rien. » (Se référant à ses premiers écrits dans lesquels il s’est déclaré membre de la Phalange. Jérusalem, 10.04.1995)

• «Je suppose que j'étais devant la télévision à attendre les nouvelles de sa mort, car à 22 ans je devais étudier, parce que c'est ce qu’on doit faire quand on a la chance d'étudier. » (Référence à sa réaction à la mort de Franco. Costa Rica, 19.11.2000)

• « Des vents de revanche soufflent sur certaines conseils municipaux nouvellement élus. Des rues dédiées à Franco et à José Antonio Primo de Rivera, seront désormais dédiées de la Constitution. A Valence, la Place du Caudillo [titre honorifique du général Franco, sur le modèle du Duce mussolinien ou du Führer hitlérien] sera renommée « Place du Pays de Valence » [nom de la région de Valence pour les catalanistes et les progressistes]. Et tout cela ne fait que commencer. Ils ont pris le parti d’effacer l'histoire. » (La Nueva Rioja. 09/05/1979)

• « Le consensus a eu un effet dévastateur, à savoir la méfiance que ressentent un groupe immense d’Espagnols concernant le bon fonctionnement du système démocratique, une méfiance clairement prouvée par le taux d'abstention très élevé lors du dernier référendum. » (La Nueva Rioja, 18/02/1979)

• « Qu’est-ce que le Parlement a-t-il à voir avec la rue ? » (La Nueva Rioja, 25/07/1979)

• « La Constitution est rédigée de telle sorte que nous ignorons si l’économie espagnole sera de libre marché ou si, au contraire, elle va glisser sur la pente dangereuse étatiste et socialisante; si nous pourrons choisir librement l'éducation que nous voulons pour nos enfants ou si nous allons vers l'école unique; si le droit à la vie sera efficacement protégé, et ainsi de suite… «  (La Nueva Rioja, 23/02/1979)

D’où cet impérialiste castillan de droite tire-t-il donc ses convictions? La trace est facile à suivre. Il le reconnaît lui-même: du parti fascisant la  Phalange Espagnole,
et de son fondateur le dictateur José Antonio Primo de Rivera. Mais plus encore d’un des partis qui allaient fonder la Phalange Espagnole : les Juntas de Ofensiva Nacional Sindicalista (ou JONS, Unités d’offensive national-syndicaliste) de Ramiro Ledesma et Onésimo Redondo, un parti créé en 1931, antimarxiste, antisémite et antidémocrate. On trouve ici le lien, pas fortuit, avec la décision de M. Aznar de passer chaque année quelques jours de vacances à Quintanilla de Onésimo.


 


 



Le village de Quintanilla de Abajo, proche de Valladolid, en Castille, fut rebaptisé par Franco Quintanilla de Onésimo, en hommage à Onésimo Redondo, qui y avait vu le jour. Ce bastion de la droite n’a été gouverné par la gauche que dans les années 1987-1991. C’est à ce moment qu’un référendum aurait pu être organisé pour changer le nom du village, référendum qui n'eut jamais lieu, bien qu’il s’agissait d'une des promesses électorales de la gauche locale. Cette même année 1987 eurent lieu, outre les élections municipales, des élections régionales qui virent la victoire de José María Aznar en région Castille-Léon. C’est pourquoi le lieu choisi par le nouveau président de région pour passer les vacances fut ce village proche de la capitale régionale, précisément parce que la tradition fasciste lui conférait cette valeur symbolique.

Onésimo Redondo se trouve donc aux sources de la pensée de José-María Aznar. Mais qui était-il?

Onésimo Redondo étudiait en Allemagne au moment de la montée du parti nazi; il est en immersion dans les idées national-socialistes et il fondera plus tard les Juntas Castellanas de Acción Hispánica (Unités castillanes d’action hispanique). Ce parti rejetait le système démocratique et préconisait l’action directe contre le marxisme et le capitalisme, les juifs et la bourgeoisie. Il converge plus tard avec Ledesma Ramos (un autre fasciste) dans la création des JONS, qui fusionnent à leur tour avec la Phalange espagnole de José Antonio Primo de Rivera en 1934.

Depuis sa revue hebdomadaire Libertad, Onésimo Redondo défendait ses idées corporatistes et totalitaires, louant la violence et la lutte armée contre les opposants idéologiques de gauche. Il organise des groupes paramilitaires en province de Valladolid, et il prend part au soulèvement militaire conduisant à la guerre civile espagnole. Au fil des années, ces groupes paramilitaires seront responsables de la répression et de l’assassinat de progressistes et de démocrates. Onésimo, quant à lui, est tué le 24 juillet 1936, quelques jours après le début de la guerre, par des miliciens de Madrid, alors qu’il se trouvait sur le front, près d'Avila.

N’oublions pas de mentionner qu’Onésimo Redondo, l’inspirateur d’Aznar, a également traduit et commenté l’œuvre antisémite, les
Protocoles des Sages de Sion, aux Ediciones Libertad, Valladolid, en 1932. Et il a laissé en héritage littéraire Onésimo Redondo, caudillo de Castilla (articles et  discours politiques), également aux Ediciones Libertad, Valladolid, 1937, et El Estado nacional (L'État national),
Ediciones Libertad, Valladolid, 1938.

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Josep Huguet Biosca
Ancien ministre Catalan
President de la Fondation Josep Irla

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