jeudi 8 août 2013

Langue et marché



Un pays qui en 30 ans a changé 10 fois son cadre éducatif n’est pas viable. 

Cette circonstance indique l'incapacité de parvenir à un consensus minimum entre droite et gauche et entre les différentes nationalités et cultures. La nouvelle loi Wert a enfoncé le clou et, laissant de côté quelque vertu dérivé de la « bonté libérale » qui a été un échec face à l'amélioration de l'école, est d'abord une loi idéologique, par son révisionnisme anti-laïque et l'obsession identitaire castillaniste. 

L'excuse de la nécessité de garantir des compétences linguistiques ne tient pas du tout. Tous les diagnostics qui ont été faits sur les compétences linguistiques situent la Catalogne, la Galice et d'autres communautés avec une langue officielle en position intermédiaire. Fait intéressant, les îles Canaries, l’Extremadura et l’Andalousie sont toujours les dernières. N'est-ce pas la suite d'une historique substitution forcée de la langue maternelle et dont reste un substrat très puissant qui refuse de disparaître? 

Un autre argument qui est souvent lié aux politiques d'uniformité comme celle de l’éducation est l'unité du marché. Au siècle de la mondialisation, l'argument est pathétique. Tous les no-hispanophones connaissent la langue espagnole, mais beaucoup d’hispanophones sont monolingues. 

Dans ce domaine, étant ministre catalan, j'ai eu affaire à plusieurs reprises à l'empoisonnement des Jacobins qui disaient que les entreprises multinationales ne s’installaient pas en Catalogne á cause du problème de la langue catalane. S'il y a un problème linguistique en l’État espagnol c’est le manque de connaissance de l'anglais dirigé par le mauvais a priori que le castillan est utile pour faire le tour du monde quand, en fait, il sert principalement à l'Amérique latine. Cette semaine, il y a eu un débat sur le faible niveau d’anglais des étudiants français. Rien de tel avec les néerlandais ou finlandais. 

Les parlants monolingues des grandes langues pensent qu'ils ne doivent pas apprendre des langues. Les parlants de langues de démographie faible et intermédiaire sont plus multilingues. 

En Europe, le castillan a un poids démographique semblable à celui du polonais. Les langues du marché et l'innovation en Europe sont, dans cet ordre: anglais, allemand et français. Le cirque espagnol de ne pas approuver le brevet européen par l'absence du castillan est une option impensable pour ceux qui sont habitués à faire le tour du monde avec modestie linguistique. 

Encore plus ; une étude commandée par l'UE sur le multilinguisme et les PME a conclu que le manque de préparation multilingue (et pas seulement en anglais) fait perdre aux entreprises plus du 30% des opportunités d'affaires. Il faut connaître l'anglais et une autre des grandes langues de communication. Mais, comme j’ai pu voir à l'International Business School (ESCI) où on enseigne en catalan et en plusieurs langues, pour un véritable entrepreneur professionnel, universitaire ou mondial, maîtriser plus d'une langue de grande communication est nécessaire, mais n’est pas suffisant. Dans un niveau égal de compétence, gagne qui a un esprit ouvert pour apprendre rapidement les langues avec une démographie inférieure. 

Un entrepreneur ou un professionnel qui est envoyé au Danemark peut passer uniquement avec son anglais, mais réussira s’il a un esprit ouvert pour apprendre une langue parlée par seulement cinq millions d'habitants. Par la mondialisation, les pratiquants de langues moyennes ou petites avons l’avantage. Lorsque l'attitude est celle de l'arrogance, les pratiquants des langues des anciens empires perdent des occasions d'affaires importantes. 

Imaginez un instant qu'un jour l’Espagne se lève suisse. Nous y trouverions un engagement ferme par l’officialité de la langue de Galice, la potentialisation de l'enseignement bilingue galicien-portugais, ou instituts trilingues galicien, portugais, anglais. La raison en est simple: plus de 200 millions de parlants, l'origine linguistique desquels était la Galice, répartis entre l'Amérique et l'Afrique, attendront avec les bras ouverts la présence des lusophones plus proches du cœur de l'Europe. 

L’Espagne gâterait le Portugal à travers la Galice et ne le maltraiterait pas, comme fait la France avec l'Allemagne en Alsace ou fait l’Italie avec l'Autriche à travers le Tyrol du Sud. Au lieu de cela, nous avons constaté un faible amour-propre en Galice, plus faible qu’en temps de Fraga (ministre galicien de Franco), avec un PP (Parti Populaire) rempli de politiciens qu’en argot sont étiquetés comme "mamporreros" et "cuneros" et perçoivent Galice comme une zone de patronage d’où il faut éliminer tout espoir. Il n'y a pas de lycée galicien, par exemple, bilingue avec le portugais comme seconde langue. Et la Galice officielle tourne le dos au Portugal et au Brésil. 


Si l'Espagne se lève un jour suisse, elle promouvrait la langue catalane à travers la bilatéralité avec l'Andorre et le département des Pyrénées Orientales, où le catalan partage son espace avec le français et la francophonie. Le francophile traditionnel de la Catalogne par des liens familiers ou historiques serait vu comme un avantage concurrentiel et non comme un fait soupçonné de trahison. Les faits sont têtus: la Catalogne a dépendu officiellement plus de temps de la France que de l’Espagne. À l'heure actuelle, nous pourrions célébrer le 200éme anniversaire de la République catalane. Oui, ne soyez pas surpris; pendant la guerre napoléonienne, la Catalogne est devenue une province française sous le nom de Département de l'Ebre et le catalan a été langue officielle. 

Si l'Espagne se lève un jour suisse, elle utiliserait les liens historiques et culturels de l’ancien Al-Andaluz pour ne pas faire le ridicule dans le Maghreb, où malgré la proximité, l'Espagne figure derrière la France et dans certains secteurs économiques derrière les italiens, les allemands ou les anglais. Cette politique transfrontalière est la politique de la Suisse avec les cantons allemands, francophones ou italiens.
Pourquoi l'Espagne ne sera jamais suisse, comme en témoigne la loi Wert? Et pourquoi elle ne saura ni ne voudra exploiter les avantages concurrentiels du multilinguisme sérieux pour se projeter sur le monde? Parce que pour parvenir à ce modèle de changement et de conception, est nécessaire la disparition de la caste oligarchique de Madrid.




Josep Huguet


@Josep_Huguet
Ancien ministre du gouvernement de la Catalogne (2004-2010)
Président de la Fondation Irla

1 comentaris:

  • Cognatus says:
    13 août 2013 à 07:21

    Em semble que sota l'ocupació napoleónica, Catalunya Sud anava dividida en més d'un departament : el Ter, El Segre, l'Ebre ....

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