dimanche 21 juillet 2013

Pourquoi je suis indépendantiste catalan

À proprement parler, je ne suis pas catalan. Je ne suis pas né en Catalogne ni dans aucun autre pays catalan ; je n'y vis pas non plus, même si je n'habite pas très loin du Roussillon, et mes parents ne sont pas catalans. Pourtant, j'entretiens depuis quelque temps un sentiment de proximité avec la Catalogne, sa culture et sa langue, que j'ai apprise et m'efforce de parler chaque jour.

Tout a commencé quand je me suis aperçu que mon grand-père paternel, que je n'ai pas eu la chance de connaître, ne parlait pas tant espagnol, comme je l'ai longtemps cru, que catalan. Ses parents étaient de Porreres et comme des milliers de Majorquins ils étaient partis s'installer dans une Algérie coloniale qui avait besoin de bras.

L'autre raison qui m'a conduit à m'intéresser à la culture catalane, c'est mon souci de protéger la diversité linguistique. Corse et occitan, j'ai longtemps souffert de voir les langues propres à un territoire s'effacer sous le poids d'une langue dominante extérieure – le français – envahissant peu à peu toutes les sphères de la société. Il en est autrement en Catalogne, en tout cas celle qui fait pour le moment partie de l’État espagnol. Le catalan est présent à la télévision, à la radio et encore plus massivement sur internet. Il est langue de l'enseignement et de l'administration. Malgré la concurrence du castillan, il manifeste une solidité assez rare parmi les langues en conflit, avec une situation comparable à celles du français québécois et du basque de l'autre côté des Pyrénées. Le catalan en Catalogne représente un espoir pour tous ceux qui pensent que chaque langue est un trésor pour l'humanité car avec elle disparaissent des pensées et des savoirs, comme cela se produit souvent à notre époque où l'extinction massive de langues n'a peut-être jamais atteint une telle intensité. En outre, en tant qu'Occitan, je suis particulièrement reconnaissant à la Catalogne de protéger l'aranais comme aucune autre collectivité territoriale ne l'a jamais fait pour la langue occitane. La loi catalane de l'occitan du 22 septembre 2010 le rend en principe officiel partout en Catalogne, alors qu'à peine quelques milliers d'Aranais le parlent et que la France, pour une communauté d'occitanophones beaucoup plus vaste, probablement des centaines de milliers, ne peut pas comprendre que le français ne puisse régner partout sans partage.

Mais pourquoi soutenir l'indépendance de la Catalogne si au sein de l'État espagnol le catalan s'épanouit de la sorte ? Tout d'abord, il existe encore des obstacles pour que le catalan soit la langue normale de la société : il n'est pas majoritaire dans les médias et c'est surtout le castillan qui est la langue de la justice ; dans les cinémas il n'est pas toujours facile de voir la version catalane d'un film ; l'étiquetage en catalan des produits vendus dans le commerce est plus rare que celui en espagnol ; surtout, la constitution espagnole définit l'apprentissage du castillan comme un devoir, mais pas celui des autres langues officielles, qui n'est qu'un droit. On voit donc que le bilinguisme toléré en Espagne est un leurre : la langue prioritaire reste l'espagnol, ce qui fragilise les autres.

Ensuite, les partis politiques espagnols sont de plus en plus agressifs à l'égard de la diversité linguistique. L'audiovisuel de langue catalane est régulièrement attaqué pour de prétendus coûts à la collectivité. Le gouvernement espagnol veut obliger la communauté autonome de Catalogne à payer la scolarité en castillan d'une dizaine de familles qui le souhaitent, alors qu'il est totalement indifférent à l'impossibilité de 120 000 familles valenciennes de scolariser leurs enfants en catalan. La nouvelle réforme éducative, fortement critiquée non seulement en Catalogne mais aussi dans toute l'Espagne, entend mettre fin à l'immersion en langue catalane, alors que des études montrent que, paradoxalement, les élèves catalans maîtrisent mieux le castillan que les Madrilènes. Le refus du gouvernement catalan d'appliquer ladite réforme montre que la tension et l'incompréhension grandissent entre Catalogne et Espagne, et une majorité de plus en plus large de Catalans ne veulent plus dépendre de Madrid.

La solution aurait pu être un État fédéral laissant à ces régions la possibilité de se gouverner elles-mêmes dans le respect de leurs particularités. On aurait pu imaginer un pays comme la Suisse où les francophones, italophones et germanophones peuvent parler leurs langues respectives dans le respect des uns et des autres. On aurait pu voir les députés catalans, galiciens et basques s'exprimer librement au Congrès espagnol comme au Canada où les députés québécois ne sont pas obligés de parler anglais lors des débats parlementaires. Au contraire, l'État espagnol n'a jamais accepté le fédéralisme et semble désormais vouloir tout faire pour réduire la liberté de ses régions, malgré la volonté populaire.

Dans ces conditions, l'indépendance de la Catalogne est la seule voie qui s'impose chaque jour avec plus de force, réclamée par l'ensemble des Catalans, de toutes origines, de toutes conditions sociales, de toutes formations politiques, avec un enthousiasme populaire, démocratique et pacifique qui est un modèle pour tous les peuples qui veulent vivre libres !

La Catalogne peut donc compter sur mon humble appui.




Gérard Joan Barceló,
Ancien élève de l'École normale supérieure de Paris
Professeur agrégé de grammaire 

Directeur de la revue électronique Lingüistica Occitana

2 comentaris:

  • Carolina Ibac says:
    23 juillet 2013 à 07:57

    Je suis catalane et pouvoir lire ton text est un plaisir parce que me permet de savoir que il y a de spoir encore avec le reste de personnes qui no vivent pas nôtre situation mai la peuvent comprendre.

  • Titou says:
    16 janvier 2016 à 17:17

    indépendantiste ! ? pour se jeter dans les bras de l'europe assassine ? celle qui tue le peuple Grec ? celle qui nous oblige a offrir tous nos împos a des banksters ? Triste monde aveugle . Je suis Français Catalan vivant en terre occupée . Vive nos peuples

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