mardi 13 novembre 2012

Interview avec le porte-parole du Gouvernement de Catalogne

Francesc Homs, porte-parole du Gouvernement de Catalogne, est le bras droit de son président, Artur Mas. Il reçoit dans le somptueux palais de la «Generalitat» à Barcelone. Décor royal. Discours rôdé.

Les indépendantistes catalans n’ont pas bonne réputation en Europe. On voit en eux des égoïstes qui refusent la solidarité…
Le cas de la Catalogne doit être vu au regard de l’histoire. Et au regard de la situation actuelle. Nous sommes un pays très mélangé. Notre population a doublé en quinze ans. Avec l’apport de populations venues de toute l’Espagne et de l’extérieur. Et pourquoi tous se considèrent-ils aujourd’hui comme un seul peuple? Parce qu’il y a une histoire, un présent mais surtout une perspective d’avenir. Un projet commun.
Tous doivent parler le catalan…
A la seconde génération en tout cas. Pourquoi font-ils cet effort? Parce qu’ils sont convaincus qu’ici, il y a un futur. Le problème, c’est que nous sommes freinés dans notre élan. La question n’est pas tant de savoir si nous payons trop à l’Etat central par rapport à ce que nous recevons, même si cela se pose, non, la difficulté, c’est que nous sommes empêchés d’aller de l’avant: moderniser le système de sécurité sociale, développer nos infrastructures.
Achever le fameux «corridor méditerranéen»…
On est dans une situation absurde. L’Union européenne considère cet axe comme prioritaire, de Valence à la France et le continent par Barcelone. Or le gouvernement s’obstine à construire une liaison par le centre, à 1000 mètres d’altitude, à travers les Pyrénées. C’est le choix politique d’éviter le passage par la Catalogne et le Pays basque. Or, plus de la moitié des exportations espagnoles transitent par la route méditerranéenne. Avec sur un tronçon un chemin de fer à voie unique! Ridicule. Pour entrer de plain-pied dans l’économie globalisée, il ne faut pas des subventions, mais de bonnes infrastructures. 
Ce sont des problèmes que l’on pourrait résoudre sans créer un nouvel Etat, non?
Ainsi va l’Espagne. Cela fait trente-cinq ans que l’on nous dit non et non. Après le franquisme qui est allé jusqu’à assassiner notre président en 1937. Puis avec des gouvernements de gauche et de droite. Le premier TGV a relié Madrid à Séville en 1992. Vingt ans après, nous ne sommes toujours pas connectés comme il se devrait avec l’Europe. 
Cela n’est pas nouveau. Pourquoi tout s’accélère-t-il maintenant?
Il faut voir que longtemps, l’Espagne a retenu la Catalogne par l’armée, la monnaie, le contrôle des frontières… Tout cela, avec l’Europe, c’est fini. Nous voulons nous affirmer sans entraves dans un monde ouvert.
La crise économique a joué un rôle…
Elle nous frappe durement bien sûr. Pour en sortir, il faut un projet. Nous avons le nôtre: l’internationalisation de l’économie. L’an passé, la Catalogne a plus exporté vers l’étranger que vers l’Espagne. 
La malédiction de la bulle immobilière ne vous a pas épargnés…
Bien sûr. Il y a eu des aberrations chez nous aussi, notamment la spéculation immobilière. Mais nous n’avons pas perdu pied dans trois piliers: le tourisme, l’industrie, le commerce international. Il est vrai que la récession, le manque d’épargne réduisent nos moyens. Et nous avons besoin de capital étranger. Mais nous avons quelque chose à offrir.
Vous croyez encore à l’industrie?
Et comment! Regardez le secteur textile. Il va bien. Parce que nos entreprises inventent des produits de pointe, des tissus «intelligents»… que ne fabriquent pas les Chinois. La recherche, l’innovation… Ce sont nos atouts. Là, nous sommes connectés au monde entier.
Pensez-vous, comme on l’entend souvent ici, que «Madrid vole la Catalogne»?
J’ai évidemment un discours plus élaboré. Mais le mal va au-delà de la question de la solidarité. Les gens ici acceptent l’effort. Nous sommes le seul gouvernement qui a été réélu et même renforcé après avoir pris des mesures d’austérité très dures. C’est notre culture: nous travaillons dur. Nous nous serrons la ceinture. Nous n’appartenons pas à «l’Europe de la sieste»!
Et pour cela, il faut créer un Etat national totalement indépendant?
Je ne sais pas s’il existe un Etat totalement indépendant. Mais un Etat propre, oui. Comme le Danemark, l’Autriche, la Finlande…
Objectif réaliste ou moyen de pression sur Madrid pour obtenir plus d’autonomie?
Non. C’est un chemin sans retour. Pas une stratégie. Nous savons que faire, nous savons où aller… On ne nous retiendra pas.
Avez-vous un modèle? Ce qu’ont fait les Tchèques et les Slovaques? Ce que demandent les Ecossais ou les Québécois?
Non, pas de modèle. Ou alors, je dirais, nous voulons être le Massachusetts des Etats-Unis d’Europe! Nous vivons dans un cadre institutionnel du siècle passé. Nous voulons vivre dans l’Europe telle qu’elle doit se faire: avec une gouvernance politique, une monnaie unique, une harmonisation fiscale, un clair partage des responsabilités… pour faire face ensemble à la mondialisation. Cet engagement des Catalans envers l’Europe a des racines historiques profondes.
Si le pouvoir national refuse le référendum, êtes-vous prêts à sortir de la légalité?
L’Espagne dira non, elle ne sait dire que non. Mais aujourd’hui, que se passe-t-il? M. Rajoy est en train de demander de l’argent à Mme Merkel. Le pouvoir politique européen ne peut que se renforcer. Le gouvernement sera-t-il en mesure longtemps encore de dire non au vœu démocratique des Catalans d’entrer dans l’Europe en tant qu’Etat propre? Avec quels arguments? La constitution de 1968? C’est un cadre mental dépassé par les réalités. 
Ainsi la crise et ses effets, le renforcement politique promis de l’Union, vous viennent en aide?
Absolument. L’effet catalan marquera la décennie. L’Europe doit aller vers des changements profonds. Si elle ne le fait pas, nous deviendrons un cimetière d’éléphants.
Francesc Homs, porte-parole du Gouvernement de Catalogne, est le bras droit de son président, Artur Mas. Il reçoit dans le somptueux palais de la «Generalitat» à Barcelone. Décor royal. Discours rôdé.

Les indépendantistes catalans n’ont pas bonne réputation en Europe. On voit en eux des égoïstes qui refusent la solidarité…
Le cas de la Catalogne doit être vu au regard de l’histoire. Et au regard de la situation actuelle. Nous sommes un pays très mélangé. Notre population a doublé en quinze ans. Avec l’apport de populations venues de toute l’Espagne et de l’extérieur. Et pourquoi tous se considèrent-ils aujourd’hui comme un seul peuple? Parce qu’il y a une histoire, un présent mais surtout une perspective d’avenir. Un projet commun.
Tous doivent parler le catalan…
A la seconde génération en tout cas. Pourquoi font-ils cet effort? Parce qu’ils sont convaincus qu’ici, il y a un futur. Le problème, c’est que nous sommes freinés dans notre élan. La question n’est pas tant de savoir si nous payons trop à l’Etat central par rapport à ce que nous recevons, même si cela se pose, non, la difficulté, c’est que nous sommes empêchés d’aller de l’avant: moderniser le système de sécurité sociale, développer nos infrastructures.
Achever le fameux «corridor méditerranéen»…
On est dans une situation absurde. L’Union européenne considère cet axe comme prioritaire, de Valence à la France et le continent par Barcelone. Or le gouvernement s’obstine à construire une liaison par le centre, à 1000 mètres d’altitude, à travers les Pyrénées. C’est le choix politique d’éviter le passage par la Catalogne et le Pays basque. Or, plus de la moitié des exportations espagnoles transitent par la route méditerranéenne. Avec sur un tronçon un chemin de fer à voie unique! Ridicule. Pour entrer de plain-pied dans l’économie globalisée, il ne faut pas des subventions, mais de bonnes infrastructures. 
Ce sont des problèmes que l’on pourrait résoudre sans créer un nouvel Etat, non?
Ainsi va l’Espagne. Cela fait trente-cinq ans que l’on nous dit non et non. Après le franquisme qui est allé jusqu’à assassiner notre président en 1937. Puis avec des gouvernements de gauche et de droite. Le premier TGV a relié Madrid à Séville en 1992. Vingt ans après, nous ne sommes toujours pas connectés comme il se devrait avec l’Europe. 
Cela n’est pas nouveau. Pourquoi tout s’accélère-t-il maintenant?
Il faut voir que longtemps, l’Espagne a retenu la Catalogne par l’armée, la monnaie, le contrôle des frontières… Tout cela, avec l’Europe, c’est fini. Nous voulons nous affirmer sans entraves dans un monde ouvert.
La crise économique a joué un rôle…
Elle nous frappe durement bien sûr. Pour en sortir, il faut un projet. Nous avons le nôtre: l’internationalisation de l’économie. L’an passé, la Catalogne a plus exporté vers l’étranger que vers l’Espagne. 
La malédiction de la bulle immobilière ne vous a pas épargnés…
Bien sûr. Il y a eu des aberrations chez nous aussi, notamment la spéculation immobilière. Mais nous n’avons pas perdu pied dans trois piliers: le tourisme, l’industrie, le commerce international. Il est vrai que la récession, le manque d’épargne réduisent nos moyens. Et nous avons besoin de capital étranger. Mais nous avons quelque chose à offrir.
Vous croyez encore à l’industrie?
Et comment! Regardez le secteur textile. Il va bien. Parce que nos entreprises inventent des produits de pointe, des tissus «intelligents»… que ne fabriquent pas les Chinois. La recherche, l’innovation… Ce sont nos atouts. Là, nous sommes connectés au monde entier.
Pensez-vous, comme on l’entend souvent ici, que «Madrid vole la Catalogne»?
J’ai évidemment un discours plus élaboré. Mais le mal va au-delà de la question de la solidarité. Les gens ici acceptent l’effort. Nous sommes le seul gouvernement qui a été réélu et même renforcé après avoir pris des mesures d’austérité très dures. C’est notre culture: nous travaillons dur. Nous nous serrons la ceinture. Nous n’appartenons pas à «l’Europe de la sieste»!
Et pour cela, il faut créer un Etat national totalement indépendant?
Je ne sais pas s’il existe un Etat totalement indépendant. Mais un Etat propre, oui. Comme le Danemark, l’Autriche, la Finlande…
Objectif réaliste ou moyen de pression sur Madrid pour obtenir plus d’autonomie?
Non. C’est un chemin sans retour. Pas une stratégie. Nous savons que faire, nous savons où aller… On ne nous retiendra pas.
Avez-vous un modèle? Ce qu’ont fait les Tchèques et les Slovaques? Ce que demandent les Ecossais ou les Québécois?
Non, pas de modèle. Ou alors, je dirais, nous voulons être le Massachusetts des Etats-Unis d’Europe! Nous vivons dans un cadre institutionnel du siècle passé. Nous voulons vivre dans l’Europe telle qu’elle doit se faire: avec une gouvernance politique, une monnaie unique, une harmonisation fiscale, un clair partage des responsabilités… pour faire face ensemble à la mondialisation. Cet engagement des Catalans envers l’Europe a des racines historiques profondes.
Si le pouvoir national refuse le référendum, êtes-vous prêts à sortir de la légalité?
L’Espagne dira non, elle ne sait dire que non. Mais aujourd’hui, que se passe-t-il? M. Rajoy est en train de demander de l’argent à Mme Merkel. Le pouvoir politique européen ne peut que se renforcer. Le gouvernement sera-t-il en mesure longtemps encore de dire non au vœu démocratique des Catalans d’entrer dans l’Europe en tant qu’Etat propre? Avec quels arguments? La constitution de 1968? C’est un cadre mental dépassé par les réalités. 
Ainsi la crise et ses effets, le renforcement politique promis de l’Union, vous viennent en aide?
Absolument. L’effet catalan marquera la décennie. L’Europe doit aller vers des changements profonds. Si elle ne le fait pas, nous deviendrons un cimetière d’éléphants.

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