La vice-présidente du gouvernement espagnol a annoncé son intention
d’introduire un recours devant la Cour constitutionnelle espagnole contre la
Déclaration de souveraineté adoptée par le Parlement catalan. D’après Soraya
Sáenz de Santamaría, la déclaration adoptée produit des effets juridiques et,
par conséquent, bien qu’il s’agit d’une résolution visant à promouvoir une action politique (conformément à l'article
145 du Parlement) et non pas d’un texte normatif, elle doit être l’objet d’un
recours d’inconstitutionnalité.
Le gouvernement espagnol semble contredire la position exprimée dans un
premier temps par le ministre des Affaires Étrangères, M. Margallo, pour qui la
déclaration n'avait aucun effet juridique et, par conséquent, il s’agirait bien
d’une reconnaissance du statut juridique de la déclaration parlementaire. Ce
revirement s’expliquerait par le fait que le contenu politique de la
déclaration est contraire à «l'esprit de la Constitution», perçue non pas comme
l’instrument de la transition d'une dictature à un système démocratique, mais comme
le garant de « l'unité indissoluble de la patrie espagnole ». Le
gouvernement veut introduire un recours contre l’expression d’une volonté
politique adoptée par une large majorité dans un parlement issu de la volonté
populaire, un fait sans précédent dans l'histoire politique et
constitutionnelle récente de l'Etat espagnol. Les opinions contraires à l'unité
de l'Espagne sont ainsi devenus inconstitutionnelles et donc illégales.
Ce recours ouvre la boîte de Pandore, avec des conséquences politiques et
juridiques de portée aujourd'hui imprévisibles. Citons-en quelques-unes:
a) La nature anti-démocratique de l'Etat espagnol viole les principes
démocratiques fondamentaux. Une interprétation restrictive du droit à
l’autodétermination affirme parfois que celui-ci ne s’appliquerait à la
Catalogne que si nous étions un peuple soumis, privé de ses droits fondamentaux.
Si le Parlement catalan ne peut pas faire une déclaration politique fondée sur
la liberté d'opinion, il est clair que l'Espagne est un Etat qui ne respecte
pas le pluralisme interne et les principes démocratiques.
b) Quels seront les effets de cette inconstitutionnalité ? Quand une
loi est déclarée inconstitutionnelle, elle cesse d’être en vigueur et de
s'appliquer. Dans le cas d’une déclaration qui est une résolution visant à
l'action politique, que se passera-t-il? L'expression d'une volonté politique du
Parlement sera-t-elle déclarée inconstitutionnelle? Quelle sera la portée concrète
de l'inconstitutionnalité? Le Parlement sera-t-il obligé d’effacer la déclaration
de son site Internet et du Journal officiel?
c) Une décision favorable de la Cour constitutionnelle espagnole ouvre la
porte à un recours devant les instances internationales: que diront de
l'interdiction d’une opinion certains organismes tels que la Cour européenne
des droits de l'homme de Strasbourg, en particulier en ce qui concerne les
articles 9, 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme? Que
diront-ils de la contradiction que suppose l’interdiction de l’expression de la
volonté du Parlement moyennant une déclaration sans caractère normatif eu égard
à l'article 20 de la Constitution espagnole, à l'article 55 du Statut d’Autonomie
de la Catalogne et à plusieurs traités internationaux signés par l'Espagne?
d) Que feront-ils si le Parlement l’approuve à nouveau? S’il s’agissait
d’une norme, celle-ci serait à nouveau
déclarée nulle et sans effets, mais peut-on annuler une opinion? Comment s’y
prendront-ils? Suspendre la séance du Parlement ayant à l’ordre du jour cette
déclaration?
Et surtout, pour ce qui est du débat souverainiste, cette situation
légitime une déclaration de cette nature, il légitime le recours au droit
international qui, à de nombreuses reprises, a réglementé l'accès démocratique des
peuples à la souveraineté.
Bref, Madrid est en train de démontrer aux incrédules que, en excluant la
réalité catalane du cadre constitutionnel espagnol, c’est bien le gouvernement
espagnol lui-même qui finira par proclamer notre indépendance. Et il le fera
probablement dans le style du nationalisme espagnol: l'indépendance de la
Catalogne par l’exclusion de la volonté démocratique catalane du cadre
constitutionnel espagnol. Si l’on met face à face Constitution espagnole et
démocratie, le vainqueur ne fait pas de doute. Restons fermes, et donnons le
temps au temps.
Deputé du Parlement de la Catalogne
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