mardi 5 mars 2013

Le gouvernement espagnol finira par déclarer notre indépendance

 
La vice-présidente du gouvernement espagnol a annoncé son intention d’introduire un recours devant la Cour constitutionnelle espagnole contre la Déclaration de souveraineté adoptée par le Parlement catalan. D’après Soraya Sáenz de Santamaría, la déclaration adoptée produit des effets juridiques et, par conséquent, bien qu’il s’agit d’une résolution visant à promouvoir  une action politique (conformément à l'article 145 du Parlement) et non pas d’un texte normatif, elle doit être l’objet d’un recours d’inconstitutionnalité.

Le gouvernement espagnol semble contredire la position exprimée dans un premier temps par le ministre des Affaires Étrangères, M. Margallo, pour qui la déclaration n'avait aucun effet juridique et, par conséquent, il s’agirait bien d’une reconnaissance du statut juridique de la déclaration parlementaire. Ce revirement s’expliquerait par le fait que le contenu politique de la déclaration est contraire à «l'esprit de la Constitution», perçue non pas comme l’instrument de la transition d'une dictature à un système démocratique, mais comme le garant de « l'unité indissoluble de la patrie espagnole ». Le gouvernement veut introduire un recours contre l’expression d’une volonté politique adoptée par une large majorité dans un parlement issu de la volonté populaire, un fait sans précédent dans l'histoire politique et constitutionnelle récente de l'Etat espagnol. Les opinions contraires à l'unité de l'Espagne sont ainsi devenus inconstitutionnelles et donc illégales.
Ce recours ouvre la boîte de Pandore, avec des conséquences politiques et juridiques de portée aujourd'hui imprévisibles. Citons-en quelques-unes:
a) La nature anti-démocratique de l'Etat espagnol viole les principes démocratiques fondamentaux. Une interprétation restrictive du droit à l’autodétermination affirme parfois que celui-ci ne s’appliquerait à la Catalogne que si nous étions un peuple soumis, privé de ses droits fondamentaux. Si le Parlement catalan ne peut pas faire une déclaration politique fondée sur la liberté d'opinion, il est clair que l'Espagne est un Etat qui ne respecte pas le pluralisme interne et les principes démocratiques.
b) Quels seront les effets de cette inconstitutionnalité ? Quand une loi est déclarée inconstitutionnelle, elle cesse d’être en vigueur et de s'appliquer. Dans le cas d’une déclaration qui est une résolution visant à l'action politique, que se passera-t-il? L'expression d'une volonté politique du Parlement sera-t-elle déclarée inconstitutionnelle? Quelle sera la portée concrète de l'inconstitutionnalité? Le Parlement sera-t-il obligé d’effacer la déclaration de son site Internet et du Journal officiel?
c) Une décision favorable de la Cour constitutionnelle espagnole ouvre la porte à un recours devant les instances internationales: que diront de l'interdiction d’une opinion certains organismes tels que la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, en particulier en ce qui concerne les articles 9, 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme? Que diront-ils de la contradiction que suppose l’interdiction de l’expression de la volonté du Parlement moyennant une déclaration sans caractère normatif eu égard à l'article 20 de la Constitution espagnole, à l'article 55 du Statut d’Autonomie de la Catalogne et à plusieurs traités internationaux signés par l'Espagne?
d) Que feront-ils si le Parlement l’approuve à nouveau? S’il s’agissait d’une norme, celle-ci serait  à nouveau déclarée nulle et sans effets, mais peut-on annuler une opinion? Comment s’y prendront-ils? Suspendre la séance du Parlement ayant à l’ordre du jour cette déclaration?
Et surtout, pour ce qui est du débat souverainiste, cette situation légitime une déclaration de cette nature, il légitime le recours au droit international qui, à de nombreuses reprises, a réglementé l'accès démocratique des peuples à la souveraineté.
Bref, Madrid est en train de démontrer aux incrédules que, en excluant la réalité catalane du cadre constitutionnel espagnol, c’est bien le gouvernement espagnol lui-même qui finira par proclamer notre indépendance. Et il le fera probablement dans le style du nationalisme espagnol: l'indépendance de la Catalogne par l’exclusion de la volonté démocratique catalane du cadre constitutionnel espagnol. Si l’on met face à face Constitution espagnole et démocratie, le vainqueur ne fait pas de doute. Restons fermes, et donnons le temps au temps.
Deputé du Parlement de la Catalogne



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