vendredi 22 février 2013

Espagne, une nation inachevée


La construction des grandes nations a été formulée de deux façons: les Etats construits à partir de la somme de la diversité des peuples qui en faisait partie, et les Etats fondés par un seul et unique peuple, imposant son pouvoir sur les peuples voisins. Deux façons de définir l'Etat qui ont conditionné leur organisation politique : d’un côté les Etats confédéraux ou fédéraux et de l’autre les Etats centralisés.
La construction des Etats-nations n'a jamais été pacifique : toujours, un peuple tentait de s'imposer aux autres. Certains ont réussi, d'autres non. Confrontés à la forces d’autres Etats, certains peuples ont choisi de s’unir et de profiter de la diversité des populations et se sont adaptés et reconnus entre eux comme des égaux. L’Allemagne, les Etats-Unis, le Canada et la Suisse font partie de ceux-là. Cependant, dans d’autres Etats, l’un des peuples imposait son pouvoir sur les autres, en s’opposant à la diversité culturelle et linguistique, entre autres. La France, la Turquie et la Serbie ont suivi ce modèle.
Et qu’est-ce que l'Espagne a choisi ? Elle a voulu créer un Etat uniforme suivant le modèle français sans y parvenir. Elle a tenté de construire un Etat unifié autour de la Castille, en diluant les autres peuples péninsulaires et en réformant leur structure politique, culturelle et sociale. Un projet qui n'a pas fonctionné, même si la Castille a tenté, tant bien que mal, d'imposer sa suprématie sur les autres territoires hispaniques.
L’Histoire officielle espagnole a toujours minimisé tout ce qui ne servait pas à expliquer l'unité espagnole d’un point de vue laïque. C’est pourquoi les historiens officiels ont parlé des « Rois Catholiques d'Espagne », en omettant de mentionner la Concordia de Ségovie, signée en 1475 par Isabelle I de Castille i Ferdinand II d’Aragon, qui mettait en place l'unité dynastique tout en maintenant la séparation des deux royaumes, chacun se gouvernant lui-même et conservant ses propres institutions, lois et impôts. Un roi et deux Etats. Une organisation qui fonctionnait jusqu'à ce qu’en 1716, Philippe V, avec les Décrets de la Nova Planta, décida d’appliquer les lois castillanes dans le Royaume catalano-aragonais. Philippe V était un Bourbon, d’origine française, petit-fils de Louis XIV : ayant vaincu les troupes catalanes en 1714, il essaya de créer un grand État centralisé sur le modèle français. Vaincu, mais pas convaincu. Depuis longtemps déjà, les revendications catalanes ne cessaient de ressurgir faute de trouver leur place dans l’Etat.
La Constitution de 1978 déclare que l’Espagne est composée de nationalités et de régions, mais dans la pratique la Catalogne est considérée comme une région à part, car l'État ignore la langue catalane, les formes sociales et la culture de Catalogne et soutient l'idée que les Catalans sont des opportunistes à la recherche de privilèges.
La Constitution de 1978 avait ouvert une porte et, en 2010, l’arrêt humiliant de la Cour constitutionnelle amendant le Statut d’Autonomie de la Catalogne l’a fermée.
La Catalogne remplit les conditions acceptées majoritairement par les constitutionnalistes pour définir une nation: une langue propre, le catalan, une culture, une histoire millénaire, une zone géographique particulière, une identité et une structure économique. Mais si elle ne possédait que cela, la Catalogne ne resterait tout de même qu’une région parmi tant d’autres, car pour être une nation, il faut un élément fondamental: la volonté d’être, ce plébiscite permanent cher au grand penseur français Renan. Et elle l’a, la Catalogne, cette fameuse volonté. Une volonté manifestée au fil des années, sans jamais disparaître.
Jordi Colomines Companys

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