La construction
des grandes nations a été formulée de deux façons: les Etats construits à
partir de la somme de la diversité des peuples qui en faisait partie, et les Etats
fondés par un seul et unique peuple, imposant son pouvoir sur les peuples
voisins. Deux façons de définir l'Etat qui ont conditionné leur organisation politique :
d’un côté les Etats confédéraux ou fédéraux et de l’autre les Etats
centralisés.
La construction
des Etats-nations n'a jamais été pacifique : toujours, un peuple tentait
de s'imposer aux autres. Certains ont réussi, d'autres non. Confrontés à la
forces d’autres Etats, certains peuples ont choisi de s’unir et de profiter de
la diversité des populations et se sont adaptés et reconnus entre eux comme des
égaux. L’Allemagne, les Etats-Unis, le Canada et la Suisse font partie de ceux-là.
Cependant, dans d’autres Etats, l’un des peuples imposait son pouvoir sur les
autres, en s’opposant à la diversité culturelle et linguistique, entre autres.
La France, la Turquie et la Serbie ont suivi ce modèle.
Et qu’est-ce que
l'Espagne a choisi ? Elle a voulu créer un Etat uniforme suivant le modèle
français sans y parvenir. Elle a tenté de construire un Etat unifié autour de la
Castille, en diluant les autres peuples péninsulaires et en réformant leur
structure politique, culturelle et sociale. Un projet qui n'a pas fonctionné,
même si la Castille a tenté, tant bien que mal, d'imposer sa suprématie sur les
autres territoires hispaniques.
L’Histoire officielle
espagnole a toujours minimisé tout ce qui ne servait pas à expliquer l'unité
espagnole d’un point de vue laïque. C’est pourquoi les historiens officiels ont
parlé des « Rois Catholiques d'Espagne », en omettant de mentionner
la Concordia de Ségovie, signée en
1475 par Isabelle I de Castille i Ferdinand II d’Aragon, qui mettait en place
l'unité dynastique tout en maintenant la séparation des deux royaumes, chacun se
gouvernant lui-même et conservant ses propres institutions, lois et impôts. Un
roi et deux Etats. Une organisation qui fonctionnait jusqu'à ce qu’en 1716, Philippe
V, avec les Décrets de la Nova Planta, décida d’appliquer les lois castillanes
dans le Royaume catalano-aragonais. Philippe V était un Bourbon, d’origine
française, petit-fils de Louis XIV : ayant vaincu les troupes catalanes en
1714, il essaya de créer un grand État centralisé sur le modèle français.
Vaincu, mais pas convaincu. Depuis longtemps déjà, les revendications catalanes
ne cessaient de ressurgir faute de trouver leur place dans l’Etat.
La Constitution
de 1978 déclare que l’Espagne est composée de nationalités et de régions, mais
dans la pratique la Catalogne est considérée comme une région à part, car
l'État ignore la langue catalane, les formes sociales et la culture de
Catalogne et soutient l'idée que les Catalans sont des opportunistes à la
recherche de privilèges.
La Constitution de
1978 avait ouvert une porte et, en 2010, l’arrêt humiliant de la Cour
constitutionnelle amendant le Statut d’Autonomie de la Catalogne l’a fermée.
La Catalogne remplit
les conditions acceptées majoritairement par les constitutionnalistes pour
définir une nation: une langue propre, le catalan, une culture, une histoire
millénaire, une zone géographique particulière, une identité et une structure
économique. Mais si elle ne possédait que cela, la Catalogne ne resterait tout
de même qu’une région parmi tant d’autres, car pour être une nation, il faut un
élément fondamental: la volonté d’être, ce plébiscite permanent cher au grand
penseur français Renan. Et elle l’a, la Catalogne, cette fameuse volonté. Une
volonté manifestée au fil des années, sans jamais disparaître.
Jordi Colomines Companys
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