Capçalera manifestació 11 setembre 2012

Pourquoi, le 11 septembre dernier, plus d’un million et demi de Catalans ont-ils manifesté à Barcelone en faveur de l’indépendance de la Catalogne?
Ce jour-là, c’est un raz-de-marée populaire qui a pris de court la plupart des observateurs. Cette manifestation a surpris par son volume (c’est la plus importante de l’histoire de la Catalogne, et l’une des plus imposantes de l’histoire récente de l’Europe), par son caractère pacifique (pas un seul incident n’a été déploré), par sa transversalité (tous les courants politiques, toutes les catégories sociales et toutes les générations y étaient représentés) et par sa détermination (un seul slogan était scandé: « Independència!»).
Des analystes du monde entier se sont alors penchés sur cette Catalogne jusqu’ici si discrète. Force est de constater que dans bien des cas leurs commentaires ont montré qu’ils n’avaient pas saisi la pleine mesure de ce qui se passe en Catalogne. La plupart des observateurs ont, en effet, localisé l’origine de cette manifestation autour de la crise économique mondiale. Ce faisant, ils ont ignoré une donnée fondamentale: la Catalogne n’est pas une création ex nihilo destinée à canaliser un prétendu égoïsme économique régional. La Catalogne a toujours cultivé la conviction d’être un pays et, depuis la perte de son indépendance par la force des armes au début du XVIIIe siècle, elle a toujours essayé, peu ou prou, de retrouver les chemins de sa liberté. Elle a une histoire particulière, une langue propre officielle, un corpus juridique millénaire et, surtout, elle a conscience d’elle-même en tant que nation. Ce qu’elle n’a pas: un Etat qui lui soit spécifique. La revendication de cet Etat n’est pas nouvelle: voilà plus d’un siècle qu’existent en Catalogne des mouvements politiques indépendantistes, toujours pacifiques, qui furent réprimés par la dictatures de Primo de Rivera et par quarante ans de franquisme.
Or, voilà que depuis quelques années l’indépendantisme fait un retour en force. Une force sans violence. Une force pacifique, dont le respect pour la démocratie saute aux yeux, ainsi que le fort désir d’intégration à la destinée commune forgée par l’Union Européenne.
Bien sûr, la crise économique a eu un effet démultiplicateur, mais la coupe était déjà pleine et ne demandait qu’à verser. L’Etat espagnol démocratique, depuis plusieurs années, n’a eu de cesse de s’appliquer à saboter l’autonomie de la Catalogne, à limiter ses domaines de compétence, à porter gravement préjudice à sa langue, à la priver des investissements structurels nécessaires à son développement, à spolier son économie par des ponctions fiscales démesurées.
Nul ne sait si la majorité qui, selon tous les sondages, demande aujourd’hui l’indépendance de la Catalogne aura gain de cause, nous en serons tous témoins quand les urnes auront parlé. Ce qu’il est important de savoir est que réduire la volonté de cette majorité au contexte économique est une erreur. Une grande partie des citoyens de Catalogne veut aujourd’hui cette indépendance pour participer de plein droit au concert des Nations. Ni plus, ni moins. Et ce dans le respect le plus strict du débat démocratique.
La Catalogne est devenue un sujet d’observation passionnant parce que c’est aujourd’hui la société civile qui rythme le tempo de sa propre histoire et qu’elle le fait avec un sens du civisme qui force le respect. En Catalogne, aujourd’hui, tous les citoyens font de la politique, en cela qu’ils débattent quotidiennement de ce qu’il adviendra de ce pays dans les mois et les années à venir. Les élus ont pris acte de ce mouvement et y participent, que ce soit pour aller vers l’indépendance ou pour maintenir l’union avec l’Espagne.
En fin de compte, cette Catalogne si passionnante pourrait devenir bientôt le nouveau voisin de la France. Il faudrait donc que la France commence à apprendre à la connaître. Elle ne pourra que l’apprécier.

Collectif Oliba